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448. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Et pourtant l’art est quelque chose ; la gloire a ses droits ; elle parle aussi à son heure, même aux plus négligentes de ces divines natures. […] Les barrières du champ clos n’existant plus, ces talents ont pu, sans infidélité, aller à leur tour dans tous les champs de l’avenir, qui déjà, de bien des côtés, s’ensemençaient sans eux ; ils ont pu arriver à temps, et là, en perspectives sociales, en espérances, en images sublimes, prélever, par droit de génie, toutes les dîmes glorieuses, qu’ils ajoutent chaque jour à leurs vieilles moissons. […] … Mais la société reprend ses droits, le devoir parle, l’idylle n’a eu qu’un jour. […] Lamartine y va toujours par le plus droit chemin, d’un seul essor, en vue de tous. […] Mais, le corps étendu, n’oublions pas que l’âme, De même que l’oiseau monte sans agiter  Son aile, ou qu’au torrent, sans fatiguer sa rame, Le poisson sait tout droit en flèche remonter, — L’âme (la foi l’aidant et les grâces propices)  Peut monter son air pur, ces torrents, ses délices !

449. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Quant aux vrais principes d’une république unanime appelant toutes les classes et tous les citoyens sans exception à apporter, par le suffrage universel, leur part juste de souveraineté naturelle dans une première assemblée, pour que cette première assemblée dictatoriale régularisât à loisir les degrés divers de ce suffrage universel, pour que la souveraineté brutale du nombre, équilibrée par la souveraineté morale de la lumière et de la raison, donnât la majorité au droit général qui fait de l’intelligence une condition de tout droit humain ; je ne les répudie pas davantage. […] Balayer de la scène le moyen âge et installer à sa place un âge de justice, de logique, de vérité, de liberté, de fraternité, conçu d’une seule pièce et jeté d’un seul jet ; En religion, conserver la belle morale et la sainte piété chrétienne, en détrônant les intolérances ; En politique, supprimer les féodalités oppressives des peuples, pour les admettre aux droits de famille nationale, et leur laisser la faculté de grandir au niveau de leur droit, de leur travail, de leur activité libre ; En législation, supprimer les privilèges iniques pour inaugurer les lois communes à tous et à tous utiles ; En magistrature, remplacer l’hérédité, principe accidentel et brutal d’autorité, par la capacité, principe intelligent, moral et rationnel ; En autorité législative, remplacer la volonté d’un seul par la délibération publique des supériorités élues, représentant les lumières et les intérêts généraux du peuple tout entier ; Enfin, en pouvoir exécutif, respecter la monarchie, exception unique à la loi de capacité, pour représenter la durée éternelle d’une autorité sans rivale, sans éclipse, sans interrègne ; honorer cette majesté à perpétuité de la nation, mais la désarmer de tout arbitraire, et n’en faire que la majestueuse personnification de la perpétuité du peuple : voilà la véritable Révolution française, voilà le plan des architectes sages et éloquents des deux siècles. […] Je n’avais dans l’esprit aucune des chimères socialistes de Platon, de Jean-Jacques Rousseau, de Mably, de Robespierre, de Saint-Just, qui mènent le peuple droit au crime par la fureur qui succède aux déceptions, et qui tuent bourreaux et victimes par la guerre anticivique de la propriété qui refuse tout et du prolétariat qui anéantit tout. […] Dans ce but, je voulais que les classes laborieuses eussent, par un vote proportionné à leur droit de vivre, une part consultative dans la représentation trop privilégiée des classes propriétaires ou industrielles ; je voulais, comme en Angleterre, un impôt de bienfaisance sur le revenu, non pas un impôt progressif qui décime le travail en décimant le capital, mais un impôt proportionnel qui oblige la classe riche à une charité légale qui met du cœur et de la vertu dans les lois.

450. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Ce qui le rebuta absolument, ce fut le droit, vers lequel on le tourna ensuite. […] En réalité, le droit répugna à son esprit, non à sa conscience : il nous l’a dit lui-même. […] Bien des années plus tard, le Traité des lois civiles le ravit, parce qu’il y trouva une théorie et les principes généraux du droit, et il célébra Domat comme « le restaurateur de la raison dans la jurisprudence ». […] Il excusait Racine de recevoir des droits d’auteur, mais il n’osa pas pour lui de la permission qu’il donnait à autrui. […] Sa franchise, au reste, et ses étourderies ne lui aliénaient pas le roi, dont l’esprit droit et le ferme sens étaient merveilleusement propres à goûter les qualités essentielles de Despréaux.

451. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Et ce n’est pas à dire que la recherche soit inutile, — on le verra bien tout à l’heure, — mais cela signifie que la science n’est investie, par nature ou par définition, d’aucun privilège qui lui soit propre, ni surtout qui lui confère un droit supérieur au gouvernement des esprits. […] Mais, au contraire, si la religion de Comte en est une, c’est précisément pour ne rien avoir de scientifique, et en fait comme en droit, sa conception de la science a ruiné dans son fondement même l’idée d’une « religion de la science. » M’objectera-t-on peut-être ici que cette expression de « religion de la science » n’est qu’une manière de parler, une métaphore, — comme « la religion de la souffrance humaine », — et que personne, pas même Renan, n’a commis cette erreur de la prendre au pied de la lettre ? […] Infiniment féconde en applications pratiques, — du genre de celles que Renan affectait volontiers de mépriser, — et, peut-être, d’une autre part, en spéculations dont l’ampleur sera toujours le plus beau témoignage de la puissance de l’esprit humain, la science ne « justifiera » jamais son fondement, et tous les problèmes qu’elle résoudra ne l’avanceront pas plus dans l’avenir que dans le passé, vers la solution de ceux qu’au temps de Descartes ou de Condorcet, elle se croyait en droit d’espérer de trancher. […] A tout le monde et à chacun, répond l’agnosticisme, si de tous nos droits le plus certain est sans doute celui de demeurer, en tant qu’hommes, les maîtres de notre croyance et les ouvriers de notre destinée. […] C’est le titre d’un livre encore assez récent où le professeur Hæckel, ayant réduit le nombre des « Énigmes de l’univers » à sept, puis à trois, et finalement à deux, ne les a peut-être pas résolues, mais n’en a pas moins affirmé la possibilité de les résoudre, et son droit de parler comme s’il les avait résolues.

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