Il reprend son ouvrage en sous-œuvre et il le refait dans le fondement même… Et de ce qui était faible de langage et immoral de sentiment et de tendance, il tire un livre parsemé d’aperçus, vivant de drame, abondant, familier, terrible, à pleine main dans l’observation et dans la vie, profond lorsqu’il paraît trivial, sévèrement écrit, d’un style pur, et pourtant ardent, comme du fer passé dans la flamme ; beau livre, enfin, moral et chrétien, comme Diderot aurait pu l’écrire, s’il n’eût pas été l’athée Diderot ! […] Il eut le droit, tout laïque qu’il fût, de prêcher dans les églises et il devint l’O’Connell des ouvriers catholiques dans un pays plus heureux que l’Irlande ; un O’Connell sans les mille échos de la persécution et de la gloire, qui rapportaient à Daniel sa voix agrandie, mais un O’Connell par le genre de talent, par la manière, par cette éloquence familière et pathétique, sublime et triviale à dessein, comme l’est un drame de Shakespeare.
Tel est, réduit à sa plus simple expression, tout ce drame intime du Lys dans la vallée. […] L’animal descend encore d’un degré et se change en machine ; la machine se détraque, et nous assistons alors à une agonie réaliste, telle que la tragédie, le drame et le roman, dans leurs épilogues les plus pathétiques, ne nous en avaient jamais présenté. […] Tournez la page : ce petit drame, si bien noué, se dénoue par une de ces ténébreuses et immorales conventions d’alcôve conjugale, également révoltantes pour l’honnêteté et pour le goût. […] Évidemment, s’il avait été, comme on le dit, l’inépuisable créateur de drames, de personnages et de caractères, il n’aurait pas eu besoin de reproduire sans cesse les mêmes rôles s’agitant sur les mêmes planches. […] Hugo surtout, qui renchérit sur ses élèves, de crainte d’être dépassé par eux, une strophe, un roman, un tableau, une statuette, un drame, une pantomime, tout tourne aisément au mystique, au saint, à l’évangélique.
Un drame de nos jours Peut bien tomber, mais rebondit toujours.
Émile Faguet Joseph d’Arimathée n’est pas précisément un drame, c’est une étude psychologique très attentive et très fine sur l’état d’esprit des premiers adeptes d’une religion et sur la manière dont un sentiment religieux se forme et se développe peu à peu dans les âmes… J’ai déjà dit qu’il n’est point du tout dramatique, et qu’il ne pourra jamais, au théâtre, soutenir et retenir l’intérêt d’un public un peu nombreux ; mais, comme étude psychologique, Joseph d’Arimathée est excellent… Il s’y trouve de grandes, de profondes beautés.