ce n’est pas elle que j’y trouve, mais ce sont ces saintes traces toutes dirigées vers cette région supérieure qu’elle habite, etc. » « Et n’importe, s’écrie-t-il dans le sonnet suivant, avec cette intrépidité de l’amour qui préfère sa douleur même à l’oubli : « Heureux les yeux qui la virent ici-bas ! […] Vous comprenez le sujet de ma douleur. […] » Bientôt après, les sonnets lui paraissent une urne funéraire trop étroite pour contenir ses larmes, ses espérances, ses prières ; il les laisse s’épancher dans les dithyrambes d’amour, de piété, de douleur, qu’on appelle ses Canzone sur la mort de Laure. […] Je juge par ma douleur de la vôtre et de celle de Tullie, ma chère sœur, votre digne épouse, à qui je vous conjure de faire entendre raison sur la perte qu’elle a faite et qu’elle devait prévoir. […] La langue dans laquelle ces vers s’épanchent ne semble avoir été composée ni pour les hommes, ni pour les esprits délivrés de leurs corps ; mais c’est une langue entre ciel et terre, entendue également en haut et en bas, qui a de la terre la passion et la douleur, qui a du ciel l’espérance et la sérénité.
Il est impossible de ne pas soupçonner un plus sérieux motif à une telle douleur. […] C’est là, selon nous, le secret de cette douleur sans proportions et sans bornes, dont l’expression dans ses mémoires excite presque la pitié à force d’exagération. […] Sa douleur, comme dans toutes les âmes émues, devient poésie sous sa plume. […] J’ai été jeune et je suis devenu vieux, et, dans cette vie incertaine, le Tout-Puissant m’a envoyé beaucoup de joie et de douleur. […] Je vais bientôt reposer sans regret ma tête blanchie dans le tombeau de mes pères, car ma fille est heureuse ; elle l’est, parce qu’elle sait qu’un Dieu paternel soigne notre âme par la douleur comme par le plaisir.
Tous les organes des sens sont des moyens de faire accomplir les mouvements de fuite ou de poursuite, qui eux-mêmes ont pour but dernier la fuite de la douleur et la poursuite du plaisir, c’est-à-dire l’appétition. […] C’est que, dans nos sensations, nous ne faisons attention qu’aux éléments ou ingrédients qui sont pour nous des signes d’objets utiles ou nuisibles, conséquemment des signes de plaisir ou de douleur possible. […] De même, nous sommes restés sans vision et sans yeux pour tous les éléments de la réalité qui ne nous intéressaient pas, qui ne se rapportaient pas à du sentiment possible, à du plaisir ou à de la douleur, à la satisfaction de l’appétit par des mouvements appropriés. […] Tout ce que nous pouvons faire, c’est de tracer artificiellement des divisions idéales dans la série complexe et continue de nos sensations, de nos perceptions, de nos plaisirs et douleurs, de nos appétitions. […] En fait et objectivement, toute douleur, toute pensée, tout état de conscience suppose un mouvement.
Son corps était rongé de goutte, son âme l’était bien plus cruellement de souvenirs et de regrets ; et, à travers l’aimable accueil qu’il voulut bien me faire, je ne laissai pas de voir en lui une victime de tous les genres de douleur. […] Il me montrait l’endroit où ils étaient placés durant l’action : il me répétait ce que le roi lui avait dit ; il n’en avait pas oublié une parole. « Ici, me dit-il en parlant de l’une de ces batailles, je fus deux heures à croire que mon fils était mort : le roi eut la bonté de paraître sensible à ma douleur. […] rien de moi ne le touche plus. » Ces idées le poursuivaient ; et, pour peu qu’il fût livré à lui-même, il tombait comme abîmé dans sa douleur. […] Qu’on se dise bien, en y réfléchissant, que, s’il est peu de douleurs qui attirent la pitié des autres, il n’en est aucune de moins sympathique que celle des ambitieux ou des gouvernants déçus.