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1272. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Delécluze, recueille dans sa vieillesse ses Souvenirs, les publie alors, dépeigne à ses contemporains de ce temps-là les gens avec qui il a dîné trente ou quarante ans auparavant, cherche même à les montrer en laid et à se donner le beau rôle, il n’y aurait rien à cette façon de faire que d’assez simple, d’assez conforme à la loi des amours-propres et d’assez reçu, en effet, dans cette libre et babillarde république des Lettres. […] » Il faut que lui-même renonce à donner aux siens, d’un ton d’oracle et de Mentor, des leçons comme celle-ci : « Ne vous révélez au public que par vos ouvrages. […] cela me donne envie d’aimer d’autant plus Paris, quand je vois ceux qui le maudissent commettre de telles fautes de goût, de bienséance, et, boutade pour boutade, je m’écrie à l’encontre : « Paris, ville de lumière, d’élégance et de facilité, c’est chez toi qu’il est doux de vivre, c’est chez toi que je veux mourir ! […] Je ne sais pourquoi, peut-être est-ce parce qu’elles sont rares, mais ces rencontres me plaisent toujours ; j’y gagne, j’y apprends de ces gaies et folles nouvelles qui autrement courraient risque de ne m’arriver jamais, j’entends de ces mots spirituels que toute la méditation ne donnerait pas, je m’y aiguise ; je crois même voir, sauf quelques rares exceptions, une bienveillance réelle à mon égard sur ces visages fins et travaillés. […] Dans ses six mois de Paris, il veut en mettre trop ; de là un étourdissement, une sorte de griserie et d’ivresse de tête qu’il va cuver en province, et il se venge en médisant de ce qui la lui a donnée.

1273. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Vitet, déjà prêt par ses voyages antérieurs, devenu inspecteur général des monuments historiques après Juillet 1830, homme de verve et de science, donnait à ce genre d’études une impulsion nouvelle, en l’éclairant d’une vue plus générale et en traçant, le premier, avec vérité et largeur le cadre des époques : il a eu l’initiative. […] Guizot, en 1835, du Comité historique de la langue, de la littérature et des arts près le ministère de l’Instruction publique, donna un point d’appui et de ralliement aux travaux ultérieurs. […] Est-il pourvu de cet instinct qui porte certaines organisations privilégiées à donner à tout ce qu’elles conçoivent une forme émanée directement de l’art ? […] Le Panthéon d’Agrippa, le mieux conservé et le plus entier des édifices purement romains, même quand on se le représente dans la splendeur et la nouveauté de sa magnificence première, ne devait donner qu’une impression de gravité suprême et de majesté. […] Pour lui, sinon pour vous, je donnerai les raisons qui m’ont guidé, afin qu’il sache qu’un architecte athénien, soigneux de sa réputation, mais plus encore de la gloire d’Athènes, ne fait rien sans avoir mûrement réfléchi sur les dispositions et les apparences qu’il doit donner aux monuments dont la construction lui est confiée.

1274. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Pourquoi, chez les Grecs en peu d’années, Eschyle, Sophocle et Euripide, comme animés d’un même souffle divin, donnent-ils coup sur coup l’éclat et la perfection à la tragédie ? Pourquoi Cratinus, Aristophane et Eupolis, pourquoi Ménandre, Philémon et Diphile ont-ils l’air de s’entendre pour donner en si peu de temps la perfection soit à l’ancienne, soit à la nouvelle comédie ? […] Jésus-Christ attendu ou donné, voilà le tronc de l’arbre ; la religion toujours uniforme ou plutôt identique dès le commencement ; toujours le même Dieu. […] Jamais Moïse n’a été conçu ni montré plus grand que chez Bossuet, jamais plus prophète, jamais plus poète : Moïse, de tous les mortels celui à qui il a été donné de voir Dieu de plus près. […] Il lui retrace son histoire et ses origines ; il lui donne par écrit la Loi, cette loi qui était la perfection avant Jésus-Christ, la perfection provisoire, non la perfection dernière.

1275. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Je viens m’exécuter sans trop d’effort et payer ma dette envers celui qui m’a donné souvent du plaisir. […] Mais ce sentiment louable en soi ne doit pas ici se donner cours sans bien des précautions et sans contrôle ; autrement il va vous entraîner au-delà des bornes ; vous plaiderez, et à merveille sans doute, si vous êtes spirituel ou éloquent ; vous ne serez qu’un avocat, vous ne serez pas un juge. […] Fréron, dans cette grande lutte et ce mouvement d’idées qui partageait le xviiie  siècle, avait choisi le rôle de défenseur de l’autel et des saines doctrines contre les philosophes : quand on se donne une telle mission, il faut être deux fois irréprochable. […] Quand ce journal se fonda, il fut donné en son honneur, à l’hôtel du Louvre, un grand dîner à toute la presse ; on y mangea des nids d’hirondelles et mieux encore. […] Les conseils sont inutiles, j’en donnerai un pourtant.

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