Il proclama tout haut son projet dans ses préfaces, railla durement ses adversaires, étala fièrement en scène113 ses doctrines, sa morale et sa personne. […] C’est un genre nouveau qu’il apporte ; là-dessus il a une doctrine ; ses maîtres sont les anciens, Térence et Plaute. […] De même que les révolutions compliquées des corps célestes ne deviennent intelligibles qu’au contact du calcul supérieur, de même que les délicates métamorphoses de la végétation et de la vie exigent pour être expliquées l’intervention des plus difficiles formules chimiques, ainsi les grandes œuvres de l’art ne se laissent interpréter que par les plus hautes doctrines de la psychologie, et c’est la plus profonde de ces théories qu’il faut connaître pour pénétrer jusqu’au fond de Shakspeare, de son siècle et de son œuvre, de son génie et de son art.
Les autres (Jouffroy et ses amis psychologues) apportaient une philosophie également tranchante et neuve, contestable de méthode et de tendance, mais élevée, intelligente historiquement de toutes les doctrines, et rénovatrice aussi par son souffle et ses ambitions mêmes. […] Desclozeaux, si en fonds de doctrine, mais déjà absorbé par les affaires et par le palais ; et pour un bon nombre des représentations que donnèrent les acteurs anglais à Paris en 1827-1828, il suffit à cette tâche délicate et neuve de feuilletoniste de Shakespeare : ce fut pour lui une très active et très honorable campagne.
Cette singulière peinture d’une volonté impuissante pour des raisons métaphysiques n’eut aucun succès en 1804 : le roman de Senancour dut attendre 1830 pour être en vogue, je ne dis pas pour être compris, car les romantiques y virent surtout l’inertie désespérée qu’ils sentaient en eux, sans regarder aux doctrines et au tempérament qui faisaient Obermann tout à fait distinct de René ou de Lélia. […] En pleine éruption de roman socialiste, par une évolution imprévue, elle revient à son Berry, s’y renferme, et se met à décrire les aspects de sa chère province, des scènes rustiques toutes simples, sans éclats de passion ni tapage de doctrines : elle écrit la Mare au Diable (1846), la Petite Fadette (1848), François le Champi (1850), qui sont les chefs-d’œuvre du genre idyllique en France, avec leurs paysans idéalisés, et pourtant ressemblants, leurs dialogues délicats, et pourtant naturels820.
M. de Chateaubriand a voyagé dans l’Amérique du Nord : il a fait Atala et René, où il est plus question de la désolation de cœur laissée par les doctrines du Dix-Huitième Siècle et par la Révolution Française que des sauvages qui y sont mis en scène. » Une autre exception, c’est la chanson de Béranger. […] Il y a de l’enthousiasme, il y a de la foi jusque dans le sentiment qui a donné naissance aux plus désolantes doctrines du Dix-Huitième Siècle.