Ces doctrines, qui ébranlent un peu l’autel où veulent se placer certains hommes, ont toujours trouvé de nombreux contradicteurs ; mais elles nous fournissent les moyens de rendre justice à la prévision de Geoffroy : le goût du public se prononce en sa faveur aujourd’hui. […] La doctrine théâtrale doit effaroucher, par sa sévérité, nos casuistes modernes. […] L’auteur de l’Art poétique renverserait lui-même par cette doctrine tous les fondements de l’art ; ce serait autoriser tous les monstres dramatiques : le succès des absurdités ne peut jamais les justifier. […] Il y a dans toute la doctrine de Voltaire, relativement à Corneille, un vice radical. […] Il y a dans cette doctrine quelques sophismes qu’il importe de relever.
Ce n’est pas moi, non certes, ce n’est pas moi, qui viendrai m’inscrire en faux contre une doctrine qui, après avoir connu tant de faveur, tomba par la suite dans le plus injuste discrédit. […] Combien d’illustres exemples viennent réconforter sa doctrine ! […] Imprimer un accent poétique à la doctrine de Schopenhauer, et du même coup faire sa soumission à l’esthétique baudelairienne, c’est l’argument suprême en faveur de la plasticité féminine ! […] Doctrine qui pourra amener le sourire aux lèvres du philosophe, puisqu’elle s’insurge contre l’acceptation nécessaire, convient-elle pas merveilleusement au poète qui suit les impulsions de son tempérament, qui s’abandonne aux exigences de sa nature ? […] Ici, en effet, l’impartialité du juge se complique et s’affaiblit de l’indulgence du maître pour des disciples en qui il retrouve un miroir à ses plus chères doctrines.
Moi, je continue à professer le même culte pour les idées libérales, la même horreur pour les idées serviles, le même amour pour la liberté civile et religieuse, le même mépris et la même haine pour l’intolérance et la doctrine de l’obéissance passive. […] Il s’y trouve tout à côté peut-être de quelque orthodoxe calviniste qui croit à la doctrine de la prédestination, ou de quelque socinien et rationaliste qui ne voit dans le christianisme que le travail successif des hommes les plus vertueux et les plus éclairés de tous les âges, et dans la morale que l’héritage et le perfectionnement des siècles : « Tous deux se disent chrétiens, et je le crois, écrivait-il à une amie digne de le comprendre, je les reçois comme frères, et j’ai du plaisir à m’associer à eux dans un hommage public de reconnaissance et d’amour à l’Être qui nous a donné l’existence et qui l’a douée de tant de biens. » Qu’on la partage ou non, cette façon d’entendre le christianisme, et qui se rapproche de celle d’Abauzit ou de Channing, est élevée et bien pure.
La Mothe traite dans ce même esprit la troisième partie de son Discours qui est l’Oraison tout entière, donnant toujours la prédominance au sens, à la doctrine, définissant l’éloquence avec Cicéron : « L’éloquence n’est rien autre chose qu’une belle et large explication des pensées du sage ; Nihil est aliud eloquentia quam copiose loquens sapientia. […] Tout cela est bien et irréprochable pour le fond : mais lui-même, on ne saurait en disconvenir, il a une manière de dire bien peu propre à persuader ; il abonde en termes et locutions déjà hors d’usage et dont le français ne veut plus ; il dit translations pour métaphores, allégations grecques et latines pour citations ; il dira encore en style tout latin : « La lecture est l’aliment de l’Oraison », Quoiqu’il contînt, on le voit, de bonnes idées, bien du sens et de la doctrine, ce traité de l’Éloquence de La Mothe-Le-Vayer péchait donc de bien des manières, et surtout en ce qu’il naissait arriéré, sans à-propos, sans rien de vif ni qui pût saisir les esprits.