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709. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

La chute de la royauté légitime en 1830 exerça sur lui et sur sa pensée une grande influence : cette première monarchie, si elle avait été plus intelligente, était bien le cadre naturel qui lui aurait convenu, un cadre noble, digne, élégant, orné et un peu resserré, plus en hauteur qu’en largeur. […] Le recueil est digne du poète. […] Il est de cette élite de poètes qui ont dit des choses dignes de Minerve. […] Il nous donnait par là tout loisir de l’observer, et souvent un peu plus qu’on ne l’aurait désiré ; j’ai retenu plus d’un trait qui achèverait de le peindre, en amenant sur les lèvres le sourire ; mais un sentiment supérieur l’emporte sur cette vérité de détail qui ne s’adresse qu’à des défauts ou des faiblesses désormais évanouies, et, puisque nous avons été reportés par ce dernier recueil aux sommets mêmes de son esprit, aux meilleures et aux plus durables parties de son talent, je m’en tiendrai, en finissant, à la réflexion la plus naturelle qui s’offre à son sujet et qui devient aussi la plus juste et la plus digne des conclusions.

710. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

XII Laissons-la parler tout haut et toute seule maintenant, dans cette petite chambre d’une campagne obscure où elle avait concentré sa vie ; laissons-la causer avec elle-même, avec son pauvre père, père si digne d’elle, avec son frère devenu son fils, sur qui toutes ses pensées avaient fini par converger comme sur le but unique de sa vie. […] Le temps n’était pas beau. » Puis une réflexion naïve et digne de Tibulle ou de Virgile. […] Elle pouvait aimer ; il paraît même que la préférence qui l’entraînait à son insu vers un jeune ami de son frère se serait facilement changée en un sentiment dont cet ami était bien digne. […] Il n’y a, selon nous, rien de supérieur, rien même de digne d’une sérieuse attention dans tout cela.

711. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

« Après une longue étude de ce poète et bien des essais pour reproduire en poésie ce que j’avais gagné à le méditer, je me tournai vers quelques-uns des meilleurs écrivains des autres temps et des autres pays, et je lus non seulement Shakespeare, mais Sophocle et Homère dans les meilleures traductions… » Eckermann, en un mot, travaille à se rendre digne d’approcher Goethe quelque jour. […] Je devais attendre de la fortune le retour des heures où le passé revivait et se représentait devant moi, où je jouissais d’une énergie intellectuelle assez grande, d’un bien-être physique assez complet pour élever mon âme à cette hauteur à laquelle il faut que je parvienne pour être digne de voir de nouveau reparaître en moi les idées et les sentiments de Goethe. — Car j’avais affaire à un héros que je ne devais pas abaisser. […] Aucune injustice ne me trouvera plus muette, quand même on devrait me décrier en m’appelant démocrate. » Je croyais que cette manière de penser était tout à fait digne de respect. […] Vous, par exemple, vous devriez écrire la Mort de César, et d’une façon digne du sujet, avec plus de grandiose que Voltaire.

712. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

La satire procède du dégoût ou de la haine, passions peu dignes d’être exprimées en vers immortels par les poètes. […] La première, au Roi, a des accents dignes de Virgile parlant la philosophie de Sénèque : ………………… En vain aux conquérants L’erreur parmi les rois donne les premiers rangs ; Entre les vrais héros ce sont les plus vulgaires ; Chaque siècle est fécond en heureux téméraires, Chaque climat produit ces favoris de Mars : La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Césars ! […] Les poètes italiens jusqu’à l’Arioste ; Tassoni, après lui, dans la Sècchia rapita, plaisanterie assez lourde et peu digne de sa renommée ; le poète anglais Pope, dans la Boucle de cheveux enlevée, hochet poétique d’une incomparable délicatesse de travail, avaient été les modèles de Boileau dans ce genre bâtard et corrompu de composition. […] Enfin M. de Cambrai me paraît beaucoup meilleur poète que théologien ; de sorte que, si, par son livre des Maximes, il me semble très peu comparable à saint Augustin, je le trouve, par son roman, digne d’être mis en parallèle avec Héliodore, l’auteur du roman grec de Théagène et Chariclée.

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