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1015. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Celle de Florence, qui était notre principale résidence, se composait d’abord du grand-duc de Toscane, jeune encore d’années, mais d’une maturité précoce et studieuse qui annonçait un digne héritier du trône et du libéralisme philosophique de Léopold. […] C’était et c’est encore le génie de la Toscane historique ressuscité ; il désirait la liberté et l’indépendance de sa patrie, restaurée sous ses souverains libéralisés, mais nullement la destruction du nom de la Toscane et l’usurpation de la maison de Savoie sous les Piémontais, considérés alors comme de bons soldats des frontières, et nullement comme des maîtres dignes de l’Italie régénérée. […] Puissent ces lignes lui apprendre que l’amitié survit au-delà du bonheur et de la popularité pour les hommes dignes d’être aimés à tous les âges !

1016. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Oui, c’est ainsi que le critique parle de ce livre, la meilleure et la plus courageuse action de notre vie, ce livre qui ne fait si bas le bas des lettres que pour en faire le haut, plus haut et plus digne de respect. […] Soudain, il se met à nous réciter des lambeaux formidablement cocasses d’une tragédie ébauchée avec Bouilhet sur la découverte de la vaccine, dans les purs principes de Marmontel, où tout, jusqu’à « grêlée comme une écumoire » était en métaphores de huit vers : tragédie à laquelle il a travaillé pendant trois ans, et qui montre la persistance de bœuf de cet esprit, même dans les imaginations comiques, dignes d’un quart d’heure de blague. […] Et revenant à la province, Colardez nous esquisse des figures pantagruéliques des vieux temps de la Haute-Marne, où nos aïeux, du matin au soir, toujours prêts à boire, nos aïeux restaient sur le banc de pierre de leur porte à raccrocher des buveurs, tandis que leurs dignes épouses se faisaient des noirs au visage, en buvant à la cave un coup du vin, et remontaient trébuchantes.

1017. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

L’homme était digne de sa tribune : les autres éloquences ne montent pas à ces hauteurs. […] Quel autre fut plus digne de vous commander ? […] le digne sujet de nos louanges, de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire : votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire ; non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface.

1018. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Être juste, être grave, être digne, sont réellement des qualités d’homme, et qui ne les a point manque évidemment de virilité. […] Voilà pourquoi toute critique, qui va plus loin que l’œuvre d’art et l’édifice de la composition, ne doit pas laisser circuler, sans avertir et sans y attacher une étiquette, ce sachet de graines vénéneuses, ce hatchich préparé pour les têtes ardentes, ce petit poison de Java dans lequel les Tricoteuses des temps futurs peuvent tremper la pointe de leurs aiguilles et qu’on nous débite, en ce moment, avec des airs vertueux et sensibles, dignes de la femme de l’apothicaire de Roméo ! […] … Où qu’on prît ces héroïnes, qui ne forment pas un bataillon, mais toute une armée dans l’histoire, qu’on les prît sur notre terre de France, que ce fût sainte Radegonde, sainte Geneviève, sainte Clotilde, et tous ces cœurs vaillants de la vaillance de Dieu jusqu’à Jeanne d’Arc et depuis elle, n’importe où l’historien allât les choisir, elles étaient dignes de s’aligner en face des plus grandes (s’il y en avait) de la Révolution française, et de faire baisser les yeux à leurs portraits, plier le genou à leurs cadavres.

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