C’est lui qui sut marquer par des nuances sensibles cette différence de langage qui tient à la différence des sexes : il n’ôte jamais aux femmes cette décence, cette modestie, cette délicatesse, cette douceur touchante, qui distinguent et embellissent l’expression de tous leurs sentimens, qui donnent tant d’intérêt à leurs plaintes, tant de grace à leurs douleurs, tant de pouvoir à leurs reproches, et qui ne doivent jamais les abandonner, même dans les momens où elles semblent le plus s’oublier. […] Il fut créateur à son tour, comme Corneille l’avait été ; avec cette différence, que l’édifice qu’avait élevé l’un frappait les yeux par des beautés irrégulières et une pompe informe, au lieu que l’autre attachait les regards par ces belles proportions et ces formes gracieuses que le goût fait joindre à la majesté du génie. […] Quant au mérite personnel, la différence des époques peut le rapprocher malgré la différence des ouvrages ; et si l’imagination veut s’amuser à chercher des titres de préférence pour l’un ou pour l’autre, que l’on examine lequel vaut le mieux d’avoir été le premier génie qui ait brillé après la longue nuit des siècles barbares, ou d’avoir été le plus beau génie du siècle le plus éclairé de tous les siècles.
Ce qui montre clairement la différence du point de vue chimique et du point de vue minéralogiques quoique les deux sciences portent sur les mêmes objets, c’est que la plupart des faits envisagés dans la première n’ont qu’une existence artificielle, de telle manière qu’un corps, comme le chlore ou le potassium, pourra avoir une extrême importance en Chimie par l’étendue et l’énergie de ses affinités, tandis qu’il n’en aura presque aucune en minéralogie ; et réciproquement, un composé, tel que le granit ou le quartz, sur lequel porte la majeure partie des considérations minéralogiques, n’offrira, sous le rapport chimique, qu’un intérêt très médiocre. […] On voit que, malgré le grand nombre d’échelles encyclopédiques successivement proposées jusqu’à présent, la discussion n’a porté encore que sur une bien faible partie des dispositions possibles ; et néanmoins, je crois pouvoir dire, sans exagération, qu’en examinant chacune de ces 720 classifications, il n’en serait peut-être pas une seule en faveur de laquelle on ne pût faire valoir quelques motifs plausibles ; car, en observant les diverses dispositions qui ont été effectivement proposées, on remarque entre elles les plus extrêmes différences ; les sciences, qui sont placées par les uns à la tête du système encyclopédique, étant renvoyées par d’autres à l’extrémité opposée, et réciproquement. […] De quelque manière qu’on explique les différences de ces deux sortes d’êtres, il est certain qu’on observe dans les corps vivants tous les phénomènes, soit mécaniques, soit chimiques, qui ont lieu ans les corps bruts, plus un ordre tout spécial de phénomènes, les phénomènes vitaux proprement dits, ceux qui tiennent à l’organisation. […] Mais la recherche de cette symétrie précise aurait quelque chose de puéril, si elle entraînait à méconnaître ou à exagérer les analogies réelles ou les différences effectives des phénomènes. […] Elles ont seulement rendu possible une telle opération, qui présente la différence fondamentale d’une conception rationnelle à une classification purement empirique.
Car elle ne peut rien si les conditions dont dépend ce phénomène ne sont pas déjà réalisées, c’est-à-dire si les différences individuelles ne se sont pas suffisamment accrues par suite de l’indétermination progressive de la conscience commune et des influences héréditaires60. […] Quelles différences y a-t-il entre les organismes inférieurs et les autres, entre le vivant organisé et le simple plastide, entre celui-ci et les molécules inorganiques qui le composent, sinon des différences d’association ? […] On est même en droit de se demander si cette loi ne pénètre pas jusque dans le monde minéral et si les différences qui séparent les corps inorganisés n’ont pas la même origine. […] Mais l’histoire montre que ces inclinations, loin d’être inhérentes à la nature humaine, ou bien font totalement défaut dans certaines circonstances sociales, ou, d’une société à l’autre, présentent de telles variations que le résidu que l’on obtient en éliminant toutes ces différences, et qui seul peut être considéré comme d’origine psychologique, se réduit à quelque chose de vague et de schématique qui laisse à une distance infinie les faits qu’il s’agit d’expliquer.
La différence prodigieuse qui sépare les hommes de deux siècles ou de deux races leur échappe376. Le Grec ancien, le chrétien des premiers siècles, le conquérant germain, l’homme féodal, l’Arabe de Mahomet, l’Allemand, l’Anglais de la Renaissance, le puritain apparaissent dans leurs livres à peu près comme dans leurs estampes et leurs frontispices, avec quelques différences de costume, mais avec les mêmes corps, les mêmes visages et la même physionomie, atténués, effacés, décents, accommodés aux bienséances. […] J’essaye de donner ici en abrégé les résultats de la comparaison ; si on la fait, la plume à la main, sur cent pages de deux textes, on sera étonné de la différence. […] Ce seul petit détail montre la différence des deux conceptions de l’homme.