On peut observer une marche à peu près pareille depuis Auguste jusqu’aux Antonins, avec cette différence cependant, que les empereurs qui ont régné pendant ce temps, ayant été des monstres abominables, l’empire n’a pu se soutenir, l’esprit général a dû se dégrader, et un très petit nombre d’hommes ont conservé la force d’esprit nécessaire pour se livrer aux études philosophiques et littéraires. […] Mais quelle différence dans la démonstration de leurs regrets !
Car qui ne sait la différence qu’il y a entre l’intelligence et la mémoire ? […] Quelle différence y a-t-il physiologiquement entre un souvenir et une métaphore, entre l’espérance et le désir, entre l’amour et la haine, l’égoïsme et le désintéressement ?
Lewes rappelle que, le premier, il a énoncé ce fait physiologique : Le système nerveux est identique partout en propriété et en structure ; fait qui a des conséquences très importantes239 car si la propriété est partout la même, les fonctions dans lesquelles entre cette propriété doivent avoir une identité commune : les différences ne pouvant venir que des divers éléments (muscles, glandes, etc.) sur lesquels agit la névrilité. […] Cette répugnance diminuera si l’on se met bien dans l’esprit qu’entre un mécanisme et un organisme il y a ressemblance, non identité ; que l’organisme est un mécanisme, mais un mécanisme vital, la vitalité étant la source de profondes différences. […] Le naturaliste, dit-il, sait qu’il y a une différence énorme entre le singe et l’huître ; mais il sait aussi que malgré leurs différences, tous les animaux obéissent aux mêmes lois biologiques. […] Lewes qui étend le sensorium à tous les centres nerveux, n’admet plus entre l’action du cerveau et celle de la moelle épinière qu’une différence de degré.
Perrier : la considération de la différence des températures aux diverses périodes géologiques. […] « La différence entre un mouvement volontaire et un mouvement involontaire de la jambe, dit Spencer, c’est que, tandis que le mouvement involontaire se produit sans conscience antécédente du mouvement à faire, le mouvement volontaire ne se produit qu’après qu’il a été représenté dans la conscience. » Selon nous, cette première caractéristique est insuffisante ; si je suis sur un précipice, je puis me représenter d’avance ma chute, ce qui ne la rend pas volontaire. […] Ces jugements et idées portent sur les rapports des choses (similitude, différence, causalité, etc.), non plus sur leurs simples qualités sensitives, et il en résulte des actions d’ordre supérieur. […] Le rapport de différence, par exemple, si abstrait semble-t-il, se révèle par un sentiment de choc interne, de résistance que nous éprouvons en passant d’une représentation à l’autre ; celui de ressemblance enveloppe un sentiment de continuité, de facilité, de non-résistance161. […] D’où l’on peut conclure, en premier lieu, que, s’il est question de choses pratiques et non pas seulement théoriques, nous avons des représentations et réactions liées par un déterminisme analogue à celui qui liait les sensations primitives et les réactions primitives, avec une différence de complexité ; et en second lieu que, s’il est question de jugements théoriques, la réaction existe encore, mais sous la forme de cette parole intérieure qui est une esquisse de mouvements et d’actes.