Ce dernier a paru lui-même à la fin de la représentation, et, les lunettes sur le nez, il n’en a pas eu moins de grâce à chanter les couplets que voici : Faites grâce à mon plat proverbe, Ô vous qui ressemblez aux dieux ! […] Je suis bien malheureux qu’il ne soit pas né à Berlin, je vous assure bien que je ne l’enverrais à aucune ambassade, et qu’il ne sortirait de chez moi. » — Dans une lettre du 20 mars : « Ne me parlez plus du duc de Nivernais, je dirai de lui ce qu’on disait à Rome à la mort de Marcellus : Les dieux n’ont fait que le montrer à la terre, Ce n’était pas la peine de faire sa connaissance pour le perdre pour toujours. » — Et le 8 avril : « Le duc de Nivernais est parti d’ici, comme vous le saurez.
Des dieux auxquels on a cessé de croire, des héros dont les exploits et les amours sont des fables, des mœurs dont les descriptions nous semblent des inventions étranges du poète au lieu du portrait ressemblant de la civilisation que nous avons sous les yeux, tout cela intéresse peu le vulgaire des lecteurs ; le savant seul s’y plaît, mais la foule se détourne et court aux légendes et aux complaintes des chanteurs de rues ; de là un triste abaissement du niveau de l’imagination du peuple. […] Nous eûmes, sans nous être entendus, et à la différence près du talent, la même pensée née du même temps : faire descendre la poésie des nuages, et l’introduire comme un hôte de tous les jours et de toutes les conditions au foyer domestique de famille, chez le savant comme chez l’ignorant, chez le riche comme chez le pauvre ; changer en pain quotidien de toutes les âmes pensantes ou aimantes cette ambroisie poétique jusque-là réservée aux dieux de ce monde.
Qu’est-ce que ce dieu qui pousse les personnages antiques, sinon une grande passion, née avec eux, qui a grandi et vieilli avec eux, et a réduit leur volonté en servitude ? C’est une force si impérieuse, si supérieure à la raison séduite ou subjuguée, que les anciens n’en ont pas voulu laisser la responsabilité à l’homme, et qu’ils l’ont rejetée sur les dieux : en cela moralistes médiocres, mais observateurs profonds, qui ont connu toute la faiblesse de la volonté.
Ses ennemis diront qu'il n'eût pas dû raisonner sur ce qu'il ne connoissoit pas à fond, ou du moins qu'il eût dû mieux choisir ses Faiseurs d'extraits ; mais je leur répondrai que Jupiter a eu ses foiblesses, & que si, pour s’être fait Taureau, il n’a point cessé d’être le Maître des Dieux, M. de Voltaire, pour s’être quelquefois oublié, n'a point cessé d’être Voltaire, c’est-à-dire, le Maître des Beaux-Esprits, des Savans, des Philosophes, des Poëtes, des Historiens, & des Littérateurs de toutes les especes. […] Les Bureaux d’esprit & les Cafés ont retenti d’anathêmes & de malédictions contre le Téméraire qui osoit manquer ainsi de respect aux Dieux de la Littérature.