Daphné, chrétienne par docilité, mais l’imagination et le cœur encore pleins des divinités anciennes, mêlant avec candeur le culte du Christ, dieu des morts, au ressouvenir des dieux de la vie, est une figure d’une vérité délicate et charmante. […] Anatole France a surtout aimé les belles pécheresses du premier et du second siècle de l’empire romain, celles qui, épuisées de voluptés, l’âme en quête d’inconnu, demandaient à l’Orient des dieux tristes à aimer, des cultes caressants et tragiques : Les femmes ont senti passer dans leurs poitrines Le mol embrasement d’un souffle oriental. Une sainte épouvante a gonflé leurs narines Sous des dieux apparus loin de leur ciel natal… Elle les voit si beaux ! Son âme avide et tendre, Que le siècle brutal fatigua sans retour, Cherche entre ces esprits indulgents à qui tendre L’ardente et lourde fleur de son dernier amour… Et Leuconoé goûte éperdument les charmes D’adorer un enfant et de pleurer un dieu… Et nous aussi nous les aimons, ces femmes, et, parce qu’elle les a consolées et qu’elle console encore les âmes en peine, la religion de Jésus continue d’inspirer à beaucoup de ceux qui ne croient plus une tendresse incurable. […] De même que la Leuconoé aux inquiétudes ineffables, l’âme moderne, « consulte tous les dieux », non plus pour y croire comme la courtisane antique, mais pour comprendre et vénérer les rêves que l’énigme du monde a inspirés à nos ancêtres et les illusions qui les ont empêchés de tant souffrir.
Puis donc que j’ai besoin de manger comme une bête, je dois fournir le labeur de bête de somme qui, seul, peut nourrir mon corps et permettre au dieu qui pleure en moi de vivre, de penser, d’aimer. […] Elle a tué l’ange chez l’ouvrière en lui volant tout loisir ; elle l’a tué en elle-même en tuant sa liberté, en assujettissant le dieu aux caprices des brutes humaines. […] Et la pensée, qui se nourrit de liberté, mourut comme l’amour : on décora de son nom la flatterie et le sophisme comme le nom de l’autre dieu était porté par les baisers menteurs et par les comédies de caresses.
il est le dieu d’un siècle qui ne croit plus qu’à l’épée et à l’habit du gentilhomme ! […] — Du dieu Plutus les Athéniens font alors leur dieu de prédilection, et ils chassent Jupiter de son temple… voilà toute cette comédie. […] voilà un pauvre dieu, sur ma parole, ami Plutus ! […] que tu es le plus puissant des Dieux ! […] L’Olympe est abandonné à qui veut le prendre, et, pour le remplir, les dieux vaincus poussent, au sommet de l’Olympe, le mendiant, l’aveugle, le besacier du premier acte, le dieu Plutus !
puisque cette orchestration de qui tout-à-l’heure sortit l’évidence du dieu ne synthétise jamais autre chose que les délicatesses et les magnificences, immortelles, innées, qui sont à l’insu de tous dans le concours d’une muette assistance. […] Ainsi était commencé le drame de Gœtterdaemmerung, — le Crepuscule des Dieux : — Siegfried, ayant quitté Brünnhilde, était pris par l’esprit de mensonge, il oubliait Brünnhilde, il la trahissait, il se parjurait, le loyal Héros ; et la sainte Voyante, Brünnhilde, chutée de la divine Virginité, privée de la Sagesse, possédée par l’Egoïsme, ordonnait la mort de Siegfried. […] Et les antiques races disparaîtront, qui se sont flétries à l’Anneau d’Or ; Walhall, le burg des Dieux, sera détruit ; la Fin descendra, le Crépuscule, sur les Dieux. Le Crépuscule des Dieux, troisième acte, scène dernière Une salle, sur la rive du Rhin. […] Car la Fin des Dieux, maintenant, s’encrépuscule : ainsi, je jette l’incendie en le burg resplendissant de Walhall. » Elle lance le tison dans le bûcher, qui, rapidement et clairement, s’allume.