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576. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Ceci était bien ; ceci sentait l’homme du tiers état, l’homme d’un barreau courageux et indépendant, le citoyen qui, comme Roland et Dupont de l’Eure, eût pu devenir ministre en gardant ses gros souliers à cordons ! […] Et puis ce paysan du Danube qui, devenu bourgeois et avocat, sait encore si bien régenter l’illustre sénat assis pour l’écouter, a des moments singuliers où il lui prend une fluxion ou un mal de gorge, comme à Démosthènes, duquel on disait alors qu’il philippisait, et il garde ces jours-là un silence aussi prudent que celui que garda toute sa vie l’académicien Conrart. […] Dupin s’est terminé par un avertissement aux gens de lettres et aux artistes de tout espérer d’un prince qui n’a cherché, dans l’exil, d’autre ressource que celle de devenir un modeste professeur ; d’un prince qui sait toutes les langues de l’Europe, et qui pourrait parler à chaque ambassadeur la sienne, s’il n’aimait mieux parler français à tous.

577. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Cependant ces mêmes expressions, qui servent aux besoins les plus familiers de l’existence, que les plus grossières intelligences ravalent au niveau de leurs mesquines pensées, ont en elles-mêmes assez de sens et de vertu pour devenir égales sans effort aux plus hautes idées, aux plus nobles sentiments des grands esprits et des cœurs généreux. […] Ils annoncent que l’auteur s’est depuis longtemps nourri de la pensée ou du sentiment exprimé, qu’il se les est tellement appropriés et rendus habituels, que les expressions les plus communes lui suffisent pour exprimer des idées devenues vulgaires en lui par une longue conception. » En effet, de ce que l’homme emploie les mots de tous les jours, on en conclut qu’il exprime ses pensées de tous les jours. […] Les mots propres à être ouïs de tous, et les phrases propres à ces mots, sont ridicules, lorsqu’on ne doit parler qu’aux yeux et pour ainsi dire à l’oreille de son lecteur. » On ne parle pas devant cent personnes comme devant une seule ; le choix de mots, la correction de phrases, qui sont nécessaires, quand on écrit, deviennent ridicules quand on cause ; et je ne sais pas de gens plus fastidieux que ceux qui, dans la conversation, parlent comme un livre.

578. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Les hommes qui étaient restés sauvages se réfugient auprès de ceux qui avaient déjà formé des familles, et deviennent leurs clients ou vassaux. […] Les serviteurs, investis par les nobles ou héros du domaine bonitaire des champs qu’ils cultivaient, deviennent les premiers plébéiens, et aspirent à conquérir, avec le droit des mariages solennels, tous les privilèges de la cité. […] Plus tard il fut payé au trésor ; cette institution aristocratique devint ainsi le principe de la démocratie.

579. (1883) Le roman naturaliste

et deviendront-ils, même dans un lointain avenir, une source d’inspiration bien féconde pour la poésie ? […] — On vit donc pour la première fois, dans la Nouvelle Héloïse, l’amour devenu le héros du roman. […] C’est ici que la question devient intéressante. […] Zola n’avait plus qu’une chose à faire ; il l’a faite ; il est devenu son propre critique. […] Donnithorne devient aussitôt tout autre.

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