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1100. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Renouvier), ou qu’il y ait seulement une combinaison heureuse, un entre-croisement réussi des chaînes de phénomènes préexistants, encore faut-il qu’il se produise des conséquences nouvelles, originales, des accidents heureux, des exceptions fécondes dues à la rencontre des lois générales et destinées à produire elles-mêmes, par la répétition, par l’imitation et l’ondulation, de nouvelles formes générales. […] « Que l’on compare, par exemple, la nature des détails qu’il faut pour persuader une personne du monde de la vérité d’un type de gentilhomme, et de ceux qu’il faut pour provoquer la même croyance dans un feuilleton destiné à des ouvriers.

1101. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Semblable à une statue ailée qui délaisserait son piédestal inutile et s’élèverait dans les airs pour aller puiser dans l’atmosphère une vie nouvelle et supérieure, l’image de la sensation a rompu sans violence avec ses origines matérielles ; appelée par une destinée plus noble, elle s’est tournée vers les régions supérieures de l’être ; désormais elle existe et se maintient, sinon pour et par elle-même, du moins pour et par la seule pensée ; et elle vit alors d’une vie si intense qu’elle peut même, — l’étude du sommeil le montrerait, — être dissociée d’avec la pensée sans subir pour cela un anéantissement passager, comme si l’être ailé, ayant dépassé les limites de l’atmosphère, volait encore d’un vol automatique, soutenu par son impulsion première. […] Essentiellement inétendu, le son est à la fois une portion du monde extérieur et un frère de l’âme ; phénomène mixte, hybride, intermédiaire entre les phénomènes évidemment extérieurs et les phénomènes évidemment intérieurs241, il obtient successivement de l’âme, par un double travail poursuivi dans deux sens différents, d’abord la reconnaissance de sa nature objective et comme son installation au sein du monde physique, ensuite d’être approprié à l’usage auquel son essence le destinait, c’est-à-dire introduit dans la série des faits inétendus.

1102. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan s’est si ridiculement épris, et qui, avec ses courtes idées de romain et de philosophe, ne comprit rien à ce bouillonnement religieux puisqu’il voulait l’éteindre brutalement dans le sang de la plus inepte et de la plus cruelle des persécutions… Et, pourtant, si les idées de civilisation et de progrès, que l’esprit moderne proclame comme la gloire du genre humain et son ascendante destinée, ne sont pas des mots vides de sens et de certitude, Marc-Aurèle, pour peu qu’il eût été ce que son historien prétend qu’il fut, aurait tenu pour les chrétiens contre le monde antique ; car les chrétiens, c’était alors la civilisation et le progrès tels que nous les entendons aujourd’hui. […] Athée de volonté mais indécis, qui n’est pas même sûr de son athéisme, dans ce livre de l’Antechrist, dès les premières lignes, il appelle Dieu : « le grand artiste inconscient qui semble présider aux destinées de l’univers ».

1103. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Or, réduit à ces proportions plus modestes, le problème philosophique de la destinée de l’âme ne m’apparaît pas du tout comme insoluble. […] Si le travail du cerveau correspondait à la totalité de la conscience, s’il y avait équivalence entre le cérébral et le mental, la conscience pourrait suivre les destinées du cerveau et la mort être la fin de tout : du moins l’expérience ne dirait-elle pas le contraire, et le philosophe qui affirme la survivance serait-il réduit à appuyer sa thèse sur quelque construction métaphysique — chose généralement fragile.

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