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886. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

À voir les passages des lettres dans lesquelles elle recommande Berquin, on dirait qu’elle épouse toutes ses opinions et sa créance ; mais il ne faut point demander à Marguerite tant de rigueur dans les idées et dans l’expression. […] Montaigne relève ce propos et se demande à quoi pouvait servir, en un tel moment, cette idée de protection et de faveur divine : « Ce n’est pas par cette preuve seulement, ajoute-t-il, qu’on pourrait vérifier que les femmes ne sont guère propres à traiter les matières de la théologie. » Aussi n’était-ce pas une théologienne que Marguerite : c’était une personne de piété réelle et de cœur, de science et d’humanité, et qui mêlait à une vie grave un heureux enjouement d’humeur, faisant de tout cela un ensemble très sincère et qui nous étonne un peu aujourd’hui. […] Cette dame Oisille répond de la manière la plus édifiante : Mes enfants, vous me demandez une chose que je trouve fort difficile, de vous enseigner un passe-temps qui vous puisse délivrer de vos ennuis ; car, ayant cherché le remède toute ma vie, n’en ai jamais trouvé qu’un, qui est la lecture des Saintes Lettres, en laquelle se trouve la vraie et parfaite joie de l’esprit, dont procède le repos et la santé du corps. […] Ne lui demandez rien de ces éclairs de talent et de passion qu’on rencontre chez sa jeune contemporaine Louise Labé, la Belle Cordière.

887. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

NGouala, passagèrement gêné dans ses affaires, demande du crédit à ses obligés. […] Les ouokolo (ou nyama) bambara sont plutôt farceurs que réellement malfaisants ; en général, ils semblent avoir un faible pour les tomates et ne les demandent pas au travail de la terre mais à leurs talents de filous. […] Si vous le frappez, il vous demande de lui donner un second coup. Ce serait une grave faute que d’accéder à sa demande.

888. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Beaucoup d’hommes, élevés dans un respect religieux pour d’antiques doctrines, consacrées par d’innombrables chefs-d’œuvre, s’inquiètent, s’effraient des projets de la secte naissante, et semblent demander qu’on les rassure. […] Quoi qu’il en soit, ils puisèrent leurs faits dans le chaos des anciennes chroniques ou dans le fatras des vieilles légendes ; ils demandèrent leur merveilleux à la féerie, à la sorcellerie, à la magie noire ; ils ne dédaignèrent pas même l’absurdité des contes les plus populaires, et ils offrirent à l’admiration des hommes ce qu’en tout autre pays on n’exposerait pas impunément à la moquerie des enfants. […] D’un autre côté, les esprits, appliqués à observer la marche des affaires publiques, ou même à la diriger, demandent des notions plus positives, plus étendues, plus variées, sur les nombreux objets dont se compose la science du gouvernement. […] Ils savent que, dans les arts, la partie la plus noble de nous-mêmes veut autre chose que l’imitation de ce qui tombe sous nos sens ; que, dans la poésie particulièrement, l’âme et l’imagination demandent, pour aliment de leur dévorante activité, ces sentiments profonds et en quelque sorte infinis, dont la religion et l’amour sont les deux principales sources ; et que l’esprit même ne saurait être entièrement captivé qu’à l’aide de cet art délicat, qui consiste à ne pas arrêter avec trop de fermeté les formes de certains objets, et à étendre sur quelques autres un voile qui les laisse entrevoir ou seulement soupçonner.

889. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

c’est au Breton que la Critique s’adresse aujourd’hui pour lui demander compte du poète, pour lui reprocher de ne pas l’avoir fait plus fort et plus grand. […] Si bien qu’on se demande où est, — ici ou là, — l’inspiration sincère, ou si le Breton, dans Brizeux, n’est pas une de ces ruses familières aux poètes de décadence, quand ils veulent réveiller, par un caviar quelconque, les imaginations blasées et engourdies. […] Rappelez-vous les marais salins du Croisic évoqués par Balzac dans un de ses romans, et la terrible histoire de Cambremer ; puis à côté de cette image naïve du Bon Jésus qui va sur l’eau, mettez encore Jésus-Christ en Flandre et demandez-vous si cette toute-puissante main-là, qui n’écrit cependant qu’en prose, ne casse pas toutes les amusettes du petit pâtre, dans Brizeux ! Demandez-vous où est le génie, et le génie du poète encore ?

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