En d’autres termes, si considérable qu’elle soit, la valeur relative, historique, de Dante, à laquelle les philologues s’attachent si fort, n’est plus qu’un détail, comparée à la valeur absolue ; chez lui la réponse est moins significative que la question ; les mots de la prière moins beaux que le geste des mains jointes. […] Il n’est pas aisé de concilier le conteur du Decamerone avec le disciple de Pétrarque et le défenseur de Dante, ni même toujours avec le poète du Filostrato et de L’Amorosa visione ; il y a là une « combinaison » qu’il faudrait étudier en détail. […] C’est la tragédie qui recommence ; quiconque étudie cette histoire dans le détail, sans parti pris, sent grandir dans son cœur la pitié, et, avec le remords, le désir de réparer par l’amour la brutalité de nos pères.
Homère, en véritable poète, ne se contente pas de raconter ; il décrit tous ces apprêts et présente à l’imagination tous ces détails pittoresques du sacrifice, du feu, du repas, détails qui sont la vie des tableaux ; puis, quand les matelots se rembarquent avec Ulysse, il peint cette autre scène de mer des mêmes couleurs que la scène du débarquement. […] tableaux jetés en passant dans une comparaison ou dans un détail technique qui éblouit l’œil sans le distraire, comme l’écume marque sur la vague qui emporte le vaisseau le sillage du navire sans arrêter le navigateur ! […] Le combat reprend au sixième chant avec une abondance de détails et une continuité de meurtres qui fatigue déjà le lecteur. […] Homère semble avoir assisté à tous les détails de la guerre comme à tous les mouvements du cœur humain. […] Les détails de l’armement et de la coiffure de combat des deux héros sont aussi techniques que si le poète eût été un armurier ou un corroyeur, et cette toilette ne cesse pas d’être sous sa main aussi poétique qu’un son de la lyre.
Or, avant d’entrer dans le détail des Œuvres de Gœthe, posons carrément qu’il n’a pas ce signe du génie, qui est mieux qu’un signe, car sans cela le génie n’est pas. […] Avec son éparpillement de détails et son tourbillonnement de scènes qui se succèdent sans lien entre elles, et pour le seul plaisir des yeux, le Faust de Gœthe est bien plus un opéra qu’un drame. […] Il ressemble, en effet, dans tous les détails de cette pièce, à un peintre de vitraux. […] Voilà, en bloc et en détail, le meilleur des œuvres théâtrales, la fleur du panier dramatique de Gœthe : Faust, Goetz de Berlichingen, Egmont, Clavijo, Torquato Tasso, Iphigénie et Stella. […] Un romancier — et il était romancier — eût pu tirer un grand parti de ces détails, mais lui, non.
Ce n’est pas sans un sentiment de surprise et d’admiration que celui qui n’est pas encore pleinement transformé à la religion de l’avenir, après avoir maintes fois entendu parler des qualités et des mérites du jeune apôtre qui écrivit ces lettres, ne trouve, en ouvrant le volume, qu’un petit nombre de détails indispensables sur sa personne et sa destinée. Certes c’eût été là pour la douleur et la louange humaines, dans les amitiés ordinaires, une magnifique occasion de s’étendre en ces détails privés auxquels se prennent encore la curiosité et le désœuvrement de nos jours.