C’est un homme que la Providence met au dessus des autres, mais qui doit s’y mettre lui-même par son mérite ; qui, chargé du plus grand & du plus difficile de tous les emplois, doit avoir ces qualités éminentes qui sont nécessaires pour régner sur les autres, pour soutenir le poids d’une grande autorité & d’une grande fortune, pour régler l’usage d’un pouvoir indépendant, & pour trouver dans sa propre vertu une loi sévere & impérieuse qui regle ses désirs & ses actions.
Je suis donc une série d’événements et d’états successifs, sensations, images, idées, perceptions, souvenirs, prévisions, émotions, désirs, volitions, liés entre eux, provoqués par certains changements de mon corps et des autres corps, et provoquant certains changements de mon corps et des autres corps. […] IV Considérons donc un de ces événements ou groupe d’événements présents, telle sensation de douleur ou de plaisir, de contact, de température, de saveur ou d’odeur, telle sensation tactile et musculaire, telle image prépondérante, tel mot mental prépondérant, telle émotion, désir, volition. — En ce moment, je souffre de la migraine, ou je goûte un bon fruit, ou je me délecte à chauffer mes membres au coin du feu ; j’imagine ou je me souviens, je suis contrarié ou égayé par une idée, je me décide à faire une démarche. […] Rien d’étonnant si ce long trouble, qui part d’une idée et dure à travers une série d’idées, nous semble interne comme les idées, si les désirs et les volitions qui en dérivent sont rapportés de la même façon au-dedans, si les suites et les caractères des idées s’opposent, comme les idées, au-dehors et ne peuvent être logés en aucun lieu. […] Ce que je suis actuellement, ce qui constitue mon être réel, c’est tel groupe présent et réel de sensations, idées, émotions, désirs, volitions ; ma conception de mon être actuel ne comprend que ces événements, et, à l’analyse, ces événements présentent tous ce caractère commun qu’ils sont déclarés internes, soit parce qu’à titre d’idées et de suites d’idées ils sont opposés aux objets et privés de situation, soit parce que leur emplacement apparent se trouve dans notre corps. […] Telle est la suggestion ou induction spontanée ; elle se confirme et se précise peu à peu par des vérifications nombreuses. — En premier lieu, nous remarquons que ce corps se meut, non pas toujours de la même façon, par le contrecoup d’un choc mécanique, mais diversement, sans impulsion extérieure, vers un terme qui semble un but, comme se meut et se dirige le nôtre, ce qui nous porte à conjecturer en lui des intentions, des préférences, des idées motrices, une volonté comme en nous78. — En second lieu, surtout si c’est un animal d’espèce supérieure, nous lui voyons faire quantité d’actions dont nous trouvons en nous les analogues, crier, marcher, courir, se coucher, boire, manger, ce qui nous conduit à lui imputer des perceptions, idées, souvenirs, émotions, désirs semblables à ceux dont ces actions sont les effets chez nous. — En dernier lieu, nous soumettons notre conjecture à des épreuves.
Si la société fournit à l’activité psychologique un point d’appui et un aliment nécessaire, peut-on méconnaître d’autre part qu’elle contrarie en nous nombre de tendances, qu’elle limite ou dévie beaucoup d’aptitudes, qu’elle froisse beaucoup de sentiments et réprime beaucoup de désirs ? […] Dans son désir de déprécier la physiologie au profit de la socialité, M. […] Un penseur qui sera animé de sentiments antisociaux trouvera utile, intéressante, agréable et par conséquent vraie une conception de la vie qui s’harmonisera avec ses désirs antisociaux. […] Ils ont dû se rendre compte qu’en dépit de leur désir d’uniformité, il subsistait toujours des différences entre deux façons de penser. […] L’idée idéale est à la fois celle qui, venant de lui, justifie ses désirs et lui permet de les satisfaire.
A notre avis, ce sont déjà des mouvements d’aversion ou de propension ; ils manifestent ce commencement de propension ou de désir, voisin de l’indifférence, qu’on nomme attente. L’attente est le désir de percevoir, de connaître ce qui va venir, et ce désir a pour objet primitif de savoir si ce qui va venir sera utile ou nuisible. […] Selon nous, il y a aussi un fait actif de désir naissant, sous la forme d’impulsion simplement intellectuelle ; l’attention, encore une fois, est le désir intellectuel, la volonté provisoire de percevoir, pour savoir en quel sens définitif il faudra vouloir et mouvoir.