Ayant chanté ses premières amours d’enfant dans des poésies délicates et subtiles, il se dit que ce n’était point assez et qu’il fallait élever à la beauté et à la reine de son cœur un monument dont il fût à jamais parlé : La Divine Comédie naquit dans sa pensée, et il mit des années à la construire, à la creuser, à l’exhausser dans tous les sens, à y faire entrer tout ce qui pouvait la vivifier ou l’orner aux yeux de ses contemporains, afin de faire plus visible et plus brillant le trône d’où il voulait présenter Béatrix au monde. […] Ce sont là des scènes incomparables de pureté, d’émotion, et qui repoussent bien loin toutes les explications allégoriques qu’on a voulu en donner : leur commentaire est à jamais écrit dans tous les cœurs délicats et sensibles.
On en chercherait vainement le charme dans les narrations de Bussy ; il n’y a ni douceur ni ardeur ; mais il a le tour fin, délicat, et le piquant de la malice. […] Il y a d’ailleurs de jolis traits, et délicats, dans ses récits ; son portrait de Mme de Sévigné est des plus vivants et des mieux caressés dans sa méchanceté ; il s’y est surpassé vraiment, et s’est armé de toutes ses perfidies contre un tel modèle.
Mais voilà bien, en effet, des coins de paysage comme je les préfère ; c’est délicat, c’est senti, et c’est peint en même temps ; c’est peint de près, sur place, d’après nature, mais sans crudité. […] Il avait ses troubles, ses défaillances intérieures, je le sais : nous reviendrons, au moins pour l’indiquer, sur ce côté faible de son âme et de sa volonté ; son talent, plus tard, sera plus viril en même temps que sa conscience moins agitée ; ici il est dans toute sa fleur délicate d’adolescence.
Celui-ci avait trente-huit ans, lorsque le duc de Beauvilliers, nommé gouverneur du jeune prince et chargé en chef de son éducation (1689), ne l’accepta qu’à la condition d’avoir cet aimable ami pour collaborateur, et de se l’associer intimement dans cette tâche délicate. […] Il fallait user tour à tour, avec un ménagement et une dextérité extrême, du frein et de l’éperon, et plus souvent encore d’une parole douce, d’un toucher de main délicat.