Feuillet y plonge très bien, au contraire, comme nous allons le voir tout à l’heure, piquant les plus belles têtes dans la couleur, l’or et la lumière, écrivant, ce diplomate, comme un peintre, un peintre qui peindrait un vitrail !
Mais ce que ces vers décrivent nous frappe du moins par une vérité de couleur qu’atteste un voyageur érudit, plein des souvenirs du même lieu.
Je me suis dit souvent que les portraits devaient être faits selon le ton et l’esprit du modèle : si l’on appliquait ce précepte et ce procédé à l’étude de M. de Vigny, son portrait serait bien simple et tout idéal ; il est douteux même qu’on dût y employer d’autres lignes et d’autres couleurs que celles qu’a fournies le poète. […] Quoique bien novice et inexpérimenté alors en matière d’histoire et en jugement politique, quoique mal édifié sur la vraie grandeur de Richelieu, j’en savais assez déjà pour relever dans cet ingénieux roman la fausseté de la couleur, le travestissement des caractères, les anachronismes de ton perpétuels : non, quoi que de complaisants amis pussent dire, non, ce n’était pas là du Walter Scott français ; M. de Vigny n’eut jamais, pour réussir à pareil rôle, la première des conditions, le sentiment et la vue de la réalité, — j’entends aussi cette seconde vue qui s’applique au passé. […] Rien de ce qui est histoire n’y est exact, rien n’y est vu naturellement ni simplement rendu : l’auteur ne voit la réalité qu’à travers un prisme de cristal qui en change le ton, la couleur, les lignes ; il transforme ce qu’il regarde ; mais, malgré tout, la pensée comme l’expression ont, à chaque page, une élévation et un lustre qui attestent un écrivain de prix.
La beauté de la comtesse Héléna, ou, comme on l’appelait parmi ses amies, par abréviation familière, Léna, ne pouvait se peindre : les mots et les couleurs, quelque nuancés qu’ils soient, ont des limites que le talent même de l’Arioste ou de Corrège ne peut dépasser ; la beauté féminine n’en a pas, de limites. On aurait plutôt pu la chanter en musique qu’on n’aurait pu la décrire en paroles ou la représenter en couleurs. […] Que ne puis-je vous la reproduire dans sa langue, qui n’est composée que de notes et de couleurs !