Puis, sur une nouvelle question d’Eckermann qui craint toujours que l’entretien ne finisse, et qui demande si le corps dans cette force d’action n’entre pas autant et plus que l’esprit, Gœthe répond : « Le corps a du moins la plus grande influence. Il y a eu, il est vrai, un temps en Allemagne où l’on se représentait un génie comme petit ; faible, voire même bossu ; pour moi, j’aime un génie bien constitué aussi de corps. — Quand on a dit de Napoléon que c’était un homme de granit, le mot était juste, surtout de son corps. […] Ce sont, hommes et femmes, des marionnettes incapables de vivre ; elles ont des proportions habilement conçues, mais, sur leur charpente de bois ou d’acier, ces poupées n’ont absolument que du rembourrage ; l’auteur les fait manœuvrer sans pitié, les tourne et les disloque dans les positions les plus bizarres, les torture, les fustige, déchire leur âme et leur corps, et met sans pitié en pièces et en morceaux ce qui, il est vrai, n’a aucune chair véritable : — et tout cela est l’œuvre d’un homme qui montre de grandes qualités d’historien éloquent, et auquel on ne peut refuser une vive puissance d’imagination, sans laquelle il lui serait impossible de produire de pareilles abominations. » — Vous qui parlez sans cesse de liberté, qui la voulez dans l’art et en tout, soyez conséquents ; sachez admettre et supporter les manières de sentir, même les plus opposées à la vôtre, quand elles sont sincères.
figure dans le sens propre, c’est la forme extérieure d’un corps. […] « le doux someil, dit Horace, etc. » le mot de corps et le mot d’ame se prènent aussi quelquefois séparément pour tout l’home : on dit populairement, surtout dans les provinces, ce corps là pour cet home là ; voilà un plaisant corps, pour dire un plaisant personage. […] Mon génie me porte à raconter les formes changées en de nouveaux corps : il étoit plus naturel de dire, à raconter les corps, c’est-à-dire, à parler des corps changés en de nouvèles formes. […] après que la froide mort aura séparé de mon ame les membres de mon corps, il est plus ordinaire de dire aura séparé mon ame de mon corps : le corps demeure et l’ame le quite ; ainsi Servius et la plupart des comentateurs trouvent une hypallage dans ces paroles de Virgile. […] On peut considérer le corps en général sans penser à la figure ni à toutes les autres propriétés particulières du corps physique : c’est considérer le corps dans un sens abstrait, c’est considérer la chose sans le mode, come parlent les philosophes, (…).
À proprement parler, l’homme est fou, comme le corps est malade, par nature ; la santé de notre esprit, comme la santé de nos organes, n’est qu’une réussite fréquente et un bel accident. […] Le peuple est souverain, et le gouvernement n’est que son commis, moins que son commis, son domestique. — Entre eux « point de contrat » indéfini ou au moins durable, « et qui ne puisse être annulé que par un consentement mutuel ou par l’infidélité d’une des deux parties ». — « Il est contre la nature du corps politique que le souverain s’impose une loi qu’il ne puisse jamais enfreindre. » — Point de charte consacrée et inviolable « qui enchaîne un peuple aux formes de constitution une fois établies ». — « Le droit de les changer est la première garantie de tous les autres. » — « Il n’y a pas, il ne peut y avoir aucune loi fondamentale obligatoire pour le corps du peuple, pas même le contrat social. » — C’est par usurpation et mensonge qu’un prince, une assemblée, des magistrats se disent les représentants du peuple. « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu’elle ne peut être aliénée… À l’instant qu’un peuple se donne des représentants, il n’est plus libre, il n’est plus… Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien… Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants ; ils ne sont que ses commissaires, ils ne peuvent rien conclure définitivement. […] Ce que désormais il sera et aura ne lui sera dévolu que par la délégation du corps social, propriétaire universel et maître absolu. […] Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir la patrie, et, jusqu’à la mort, ne doit voir qu’elle… On doit l’exercer à ne jamais regarder son individu que dans ses relations avec le corps de l’État. » Telle était la pratique de Sparte et l’unique but du « grand Lycurgue » « Tous étant égaux par la constitution, ils doivent être élevés ensemble et de la même manière. » — « La loi doit régler la matière, l’ordre et la forme de leurs études. » À tout le moins, ils doivent tous prendre part aux exercices publics, aux courses à cheval, aux jeux de force et d’adresse institués « pour les accoutumer à la règle, à l’égalité, à la fraternité, aux concurrences », pour leur apprendre « à vivre sous les yeux de leurs concitoyens et à désirer l’approbation publique ». […] Du moment où, entrant dans un corps, je ne réserve rien de moi-même, je renonce par cela seul à mes biens, à mes enfants, à mon Église, à mes opinions.
Il était vêtu, non paré, de sa robe à plis perpendiculaires, serrée au corps. […] Son aspect maladif, surtout dans sa jeunesse, intéressait à cette langueur du corps dompté par l’esprit. […] Le triomphe à Rome était devenu une institution : il donnait pour ainsi dire un corps à la renommée, et faisait, des triomphateurs, des candidats à la tyrannie. […] Mais il fut consumé par sa propre flamme : son corps fragile ne put supporter ces excès d’études, de parole publique, de clientèle et de gloire dont il était submergé. […] Le frère de Cicéron, blessé lui-même par le fer des gladiateurs de Clodius, n’échappa à la mort qu’en se cachant sous les corps amoncelés sur les marches de la tribune.