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1255. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Géruzez appartient à un corps avec lequel il ne tient pas à se mettre mal. […] Le corps ne porte aucune trace de violence. […] c’est un corps étranger qui s’introduit dans un de ses engrenages ; il la gêne, elle le broie. […] S’étendant de couche en couche, comme sur un terrain préparé, il a de sourds contrecoups qui retentissent jusqu’aux extrémités du corps social. […] Toute arme lui semble bonne, toute mesure lui semble juste contre le parlement, corps bourgeois, usurpateur des privilèges de la pairie.

1256. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Jamais l’hymne du corps humain n’a été chanté en plus nobles strophes, la force superbe de la forme a resplendi d’un éclat incomparable pendant cette période de la civilisation grecque qui est comme la jeunesse et le printemps du génie humain. […] Cet étroit grabat, plus semblable à un cercueil qu’à un lit, plus fait pour le cadavre que pour le corps, au bord duquel Chatterton veut forcer sa pensée vierge à se donner pour de l’argent comme une courtisane, a produit un effet sinistre. […] Mais ce n’était pas sa faute ; le public français, qui n’accepte l’art qu’à son corps défendant, commençait à être las de passion, de lyrisme et de poésie. […] Et ce n’était pas seulement une statue digne de Phidias, une forme merveilleuse et parfaite : l’intelligence, la passion, le génie animaient ce beau corps ; une âme brûlait dans cette perfection sculpturale. […] Le siècle, en avançant, se dépeuple, et tous ces grands morts, nous ne voyons pas qui les remplacera dans l’avenir encore obscur ; car Rachel, cette flamme ardente dans ce corps frôle, est partie avant Georges.

1257. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Une Université est proprement un corps composé de gens gradués en plusieurs facultés ; de professeurs qui enseignent dans les écoles publiques, de précepteurs ou maîtres particuliers, et d’étudiants qui prennent des leçons et aspirent à parvenir aux mêmes degrés ; au lieu qu’une Académie n’est point destinée à enseigner ou professer aucun art, quel qu’il soit, mais à en procurer la perfection ; elle n’est point composée d’écoliers que de plus habiles qu’eux instruisent, mais de personnes d’une capacité distinguée, qui se communiquent leurs lumières et se font part de leurs découvertes pour leur avantage mutuel. […] La vraie philosophie a beau se répandre en France de jour en jour, il lui est bien plus difficile de pénétrer chez les corps que chez les particuliers : ici elle ne trouve qu’une tête à forcer, si on peut parler ainsi ; là elle en trouve mille. L’Université de Paris, composée de particuliers qui ne forment d’ailleurs entre eux aucun corps régulier ni ecclésiastique, aura moins de peine à secouer le joug des préjugés dont les écoles sont encore pleines. […] Je m’explique ; le mot douleur, par exemple, s’applique également dans notre langue aux peines de l’âme et aux sensations désagréables du corps : cependant la définition de ce mot ne doit pas renfermer deux sens à la fois, c’est là ce que j’appelle le sens vague, parce qu’il renferme à la fois le sens primitif et le sens par extension : le sens précis et originaire de ce mot désigne les sensations désagréables du corps, et on l’a étendu de là aux chagrins de l’âme, voilà ce qu’une définition doit faire bien sentir. […] Cette place est donc celle qu’il est le plus important de bien remplir, pour l’avantage et pour l’honneur d’un corps littéraire.

1258. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Vous me souhaitez des indigestions ; cela n’est guère possible aujourd’hui ; il y a douze ans que je suis fort sobre ; mais j’ai une humeur goutteuse dans le corps, qui n’est pas encore bien fixée aux extrémités, et qui pourrait bien m’obliger d’aller consulter l’oracle de Genève (le docteur Tronchin). […] Le cuisinier de l’ambassadeur de Rome ne sera pas moins en réputation, et Bernis dut un jour en écrire à M. de Choiseul pour répondre à de sots bruits qu’on faisait courir sur le luxe de sa table : « Un bon ou mauvais cuisinier fait qu’on parle beaucoup de la dépense d’un ministre ou qu’on n’en dit mot ; mais il n’en coûte pas moins d’être bien ou mal servi, quoique le résultat en soit fort différent. » Or, il est constant que Bernis, au milieu de cette table somptueuse qu’il offrait aux autres, ne vivait lui-même que frugalement et d’une diète toute végétale : J’ai été dîner avec Angelica Kaufmann (le peintre célèbre) chez notre ambassadeur, écrit Mme Lebrun dans ses Mémoires : il nous a placées toutes deux à table à côté de lui ; il avait invité plusieurs étrangers et une partie du corps diplomatique, en sorte que nous étions une trentaine à cette table dont le cardinal a fait les honneurs parfaitement, tout en ne mangeant lui-même que deux petits plats de légumes.

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