En général, pour en bien parler, le mieux est d’être tout à fait contemporain de son sujet. […] Tout ce qui est visible, accentué aux sens, tout ce qui parle distinctement aux yeux et qui dessine vivement et même bizarrement le monde extérieur tel qu’il est, il l’absorbe, il l’abstrait en quelque sorte, il le fait passer à l’état de sentiment pur, d’analyse raisonnée et dialoguée ; il le transpose de la sphère visuelle dans celle de l’entendement, mais d’un entendement net, étendu, sans vapeur, non nuageux, de cet entendement clairement défini, bien qu’un peu nu, tel que va le circonscrire et l’éclairer philosophiquement, dans son Discours de la Méthode et ailleurs, Descartes, ce grand contemporain du Cid.
Il y a une littérature contemporaine et congénère de l’art de David ; elle fut très courte de durée et très mélangée : tout marchait si vite alors ! […] Si la littérature est vraiment ou doit être l’expression de la société, la littérature du xviiie siècle est plus voisine de la société de son temps que la littérature du xviie ne l’était de la société sa contemporaine.
Déjà un essai tout grammatical sur ce point de la syntaxe vient d’être fait par un étranger, un savant de Stockholm, M. le professeur Lidforss, sous ce titre, qui, bien que régulier à la rigueur, ne laisse pas de paraître un peu bizarre : Observations sur l’usage syntaxique de Ronsard et de ses contemporains (1865). […] Mais comment reprocher à des hommes de vingt-cinq ans qui, en présence d’une littérature contemporaine futile, fade, puérile, triviale ou sophistiquée, viennent de se plonger dans ces belles lectures de l’Antiquité dont l’art de l’imprimerie ressuscitait les textes désormais tout grands ouverts et accessibles, comment leur reprocher d’en être tout remplis, d’en vouloir communiquer l’émotion généreuse, d’en vouloir verser la sève et comme transfuser le sang dans une langue moderne qui, certes, à cette date (je ne parle ni de Rabelais ni de sa prose), laissait si fort à désirer pour les vers et pour toute élocution sérieuse, élevée ?
A examiner attentivement les faits contemporains, à suivre quelques-uns de leurs courants si ondoyants et si divers, il semble qu’il sera impossible de les fixer avec étendue et variété. […] Il n’y avait plus d’ailleurs de préjugé dominant (les contemporains n’ont jamais de préjugés) ; enfin on se serait cru d’accord.