[Le Théâtre contemporain (1888).]
Littré : intelligence approfondie du grec, lecture des manuscrits, collation des textes et détermination du dialecte ; intelligence et reconstitution des doctrines au point de vue médical ancien, examen critique en tous sens, interprétation et traduction à notre usage, tellement que les traités hippocratiques, en définitive, « pussent être lus et compris désormais comme un livre contemporain. […] Platon, seule autorité authentique sur son compte, nous apprend, par le passage d’un dialogue, qu’Hippocrate de Cos, contemporain de Socrate, était de la famille des Asclépiades, c’est-à-dire d’une race de médecins qui prétendaient remonter à Esculape ; qu’il était praticien et professeur renommé, et qu’il donnait des leçons qu’on payait. […] Plus on pénètre le sens des écrits d’Hippocrate, et plus l’on s’identifie avec le fond et la forme de ses pensées, plus aussi on comprend l’affinité qu’il a avec les grands esprits ses contemporains, et plus l’on est persuadé qu’il porte comme eux la vive empreinte du génie grec. » Et plus loin, je détache, avec le regret de l’abréger, une belle et bien bonne page encore : « Celse a vanté la probité scientifique d’Hippocrate dans une phrase brillante qui est gravée dans tous les souvenirs : (« Hippocrate, a-t-il dit, a témoigné qu’il s’était trompé dans un cas de fracture du crâne, et il a fait cet aveu avec la candeur propre aux grands hommes, aux riches qui ont pleine conscience du grand fonds qu’ils portent en eux »)… C’est le même sentiment de probité qui lui inspire la plus vive répugnance pour tout ce qui sent le charlatanisme… La haine qu’Hippocrate ressentait et exprimait à l’égard des charlatans est très comparable à la haine qui animait Socrate, son contemporain, contre les sophistes. […] J’ai écrit moi-même, sur ce sujet des études relatives à notre vieille langue, un travail spécial qui a été inséré dans la Revue contemporaine du 30 novembre 1858 ; je ne puis entrer ici dans le même détail, et je dois courir rapidement.
Les critiques essentielles, sans qu’on y vise, se trouveront toutes chemin faisant, et plus piquantes dans la bouche même des personnages ses contemporains. […] Delille ne fit autre chose, toute sa vie, que travailler, polir, tourner, vernisser, monnayer, mieux qu’aucun de ses contemporains, les matières de ce genre, y tailler, pour ainsi dire, des meubles Louis XV et Louis XVI, des ornements de cheminée et de toilette, bons pour tous les boudoirs, pour Bagatelle, je l’ai dit, pour Gennevilliers et Trianon. […] Nous aurions peu de chose à en dire de nous-même, qui n’eût déjà été mieux dit par des contemporains. […] On les oublie ensuite, et on croit les retrouver pour son compte, en supposant chez les contemporains une unanimité d’admiration qui n’a jamais existé. […] Je n’aborderai pas en particulier chacun des ouvrages publiés par Delille à dater de 1800 ; ce serait répéter à chaque examen nouveau les mêmes critiques, les mêmes éloges, et je n’aurais guère rien à en dire d’ailleurs qui n’ait été trouvé par des contemporains mêmes.
Œuvres contemporaines Je vais rapidement énumérer les principales ouvres de Wagner qui d’une façon ou d’une autre se rattachent à cette époque de trente ans, soit qu’elles aient été conçues et exécutées en entier entre 1844 et 1874, soit qu’elles aient été terminées après 1844 ou commencées avant 1874. On verra que l’œuvre presque entière du maître est contemporaine de l’Anneau du Nibelung. […] Ernst sur Wagner et le Drame contemporain, et les traductions, malheureusement fragmentaires et fantaisistes, de M. […] Alfred Ernst est un des hommes qui connaît le mieux en France certains côtés de l’œuvre de Wagner ; son livre Richard Wagner et le Drame contemporain en témoigne suffisamment dans plusieurs chapitres, et j’en recommande vivement la lecture. […] Ces traductions d’écrits et de poèmes de Wagner, ces études sur ses œuvres, sur la littérature et la peinture contemporaines, sur Tolstoï, etc., tout cela c’était agir selon l’intention de Wagner, c’était ramener toutes les manifestations éparpillées à un seul point de vue artistique ; c’était tenter une théorie générale de l’art, — Je sais bien que le tort qu’ont eu mes deux amis, c’est qu’ils intitulaient leur Revue « wagnérienne », tandis que le point de vue spécial d’où ils partaient pour juger l’art, était l’exact antipode de celui d’où part Wagner : ils sont littérateurs, exclusivement littérateurs, tout art est pour eux une chose abstraite, un jeu de signes conventionnels quelconques, le théâtre idéal c’est le cerveau d’un homme isolé, qui rêve, etc… — Wagner, lui. est l’ennemi de toute littérature, parce qu’elle tue l’art ; la pensée, selon lui, ne doit pas commander aux émotions, elle doit au contraire les suivre, l’œuvre d’art n’existe réellement « qu’à l’instant de sa pleine réalisation sensuelle ».