À le considérer, non point théologiquement, mais psychologiquement, le janséniste est l’homme qui entretient avec Dieu les relations les plus dramatiques. […] Il y a eu des passions nouvelles : l’amour de Dieu considéré à la fois comme un idéal et comme une personne, la haine paradoxale de la nature, la foi, la contrition. […] Et il le croit, en ce sens qu’il se considère comme élu par les puissances d’en haut. […] Je considère Jean Racine à cette époque (je vous l’ai déjà dit) comme un charmant « arriviste », très ardent et très avisé. […] Ces qualités, qui ne sont pas fort honorables au jugement des honnêtes gens, sont horribles étant considérées selon les principes de la religion chrétienne et les règles de l’Évangile.
Autre sera le point de vue du critique qui considérera ce mécanisme d’une façon désintéressée, et non plus dans le jeu de son action d’ensemble. […] Sa famille appartenait, de temps immémorial, à la noble nation des Chkipes, que les Italiens appellent des Albanais, que les Turcs nomment Arnautes et que plusieurs hommes savants considèrent comme des descendants d’Hercule. […] Qu’on le veuille ou non, cette découverte a notablement modifié notre façon de voir les choses, de considérer les hommes, d’apprécier les œuvres d’art. […] Plus tard, avancé en âge et monté en grade, il se dédommagea, voulut toucher un arriéré qu’il considérait comme dû. […] Mais qui ne voit que ces éternels abstentionnistes, qui considèrent leur neutralité comme une vertu, sont les victimes, désignées d’avance, de tous ceux qui voudront entreprendre l’attaque de leur moralité et de leur sécurité.
L’autre était une vue de la littérature, considérée comme une psychologie vivante. […] Il appartient à ce genre que nos aînés considéraient comme démodé et dont relèvent la Ténébreuse Affaire de Balzac, la Guerre et la Paix de Tolstoï. […] Considérez avec quelle entente de la vie du langage ceux-là sont choisis. […] La littérature à idées est celle qui dégage de la vie humaine, considérée dans sa vérité, les grandes lois qui la dominent. […] La doctrine consiste à se détacher de sa personne et à considérer la nature entière comme un être unique, constitué par une infinité d’attributs infiniment modifiés.
… Ce qui est certain, c’est que quand je considère aujourd’hui tout l’ensemble de l’œuvre étonnante de Victor Hugo, dans laquelle il a mis de plus en plus hardiment et fait sortir tout ce qu’il avait en lui de force, de qualités et de défauts, en les poussant jusqu’au bout et à outrance, je sens combien je suis demeuré timide à son égard et insuffisant comme critique : j’en suis resté avec lui très en arrière, à l’autre versant de la montagne, sans doubler le sommet et sans redescendre les dernières pentes si déchirées et si rapides.