Être guidés par la conscience et la vérité dans tous les pas que nous faisons, c’est fatigant. […] Votre intelligence, ils la dépassent ; votre imagination, ils lui font mal aux yeux ; votre conscience, ils la questionnent et la fouillent ; vos entrailles, ils les tordent ; votre cœur, ils le brisent ; votre âme, ils l’emportent. […] La bourgeoisie des habitudes, la vie terre à terre, le calme plat des consciences, le « bon goût » et le « bon sens », tout le petit égoïsme tranquille est dérangé, avouons-le, par ces monstres du sublime.
Il a donné, il y a quelques années, un récit cadencé, Héléna ; aujourd’hui, c’est Donald (1865), l’histoire d’un employé, d’un industriel intelligent devenu un homme politique probe, incorruptible, au cœur d’or et d’airain, qui résiste à toutes les tentations, à force de conscience.
XLIX Mais le génie de madame de Staël s’élève encore avec le sujet dans le troisième volume de l’Allemagne, qui traite de la philosophie, de la conscience, de la liberté, de la politique. […] Quel accès ouvert à l’ascendant du pouvoir, aux transactions de la conscience, à tous les mobiles conseils des événements ! […] La révolution française, ou plutôt la révolution européenne, couvant et éclatant dans le foyer de la France, avait deux buts : un but humain, l’émancipation de la classe la plus nombreuse, ou du peuple, de toute servitude et de toute inégalité aristocratique ; un but surhumain, l’émancipation de la raison et de la conscience de toute religion imposée et de toute servitude religieuse ; le détrônement des castes privilégiées par la loi, et le détrônement des églises d’État ; la loi égale et la foi libre, voilà la révolution. […] Le retour à main armée de l’île d’Elbe était incontestablement le plus grand attentat de Napoléon contre la conscience publique, contre la paix du monde, et contre la fortune de la France. […] Il se présentait avec une impudeur que dénote assez son mépris pour la conscience humaine, comme le restaurateur de cette liberté qu’il avait détrônée.
La cour et la France se vengeaient de leur servitude aux lois de madame de Maintenon, Esther surannée d’un roi persécuteur des consciences, inspiratrice des plus cruels attentats contre les cultes indépendants. […] Mais à peine avait-il écrit ces lignes impies qu’il rougissait de les avoir écrites et qu’il s’en vengeait en écrivant d’une main plus ferme les pages les plus solides de pensée et les plus magnifiques d’expression sur l’existence de Dieu dans ses œuvres, sur la conscience, ce code vivant de la morale une et éternelle, sur la moralité ou sur l’immoralité des actes humains, moralité ou immoralité qui suppose une peine ou une rémunération finale, et par conséquent une immortalité. […] Cette aberration de la métaphysique de Voltaire ne détruit pas moins la conscience dans l’homme qu’elle ne détruit la véritable providence, c’est-à-dire l’infini de l’omnipotence et de l’omniscience, en Dieu. […] La République de 1848, en proclamant la neutralité complète de l’État en matière de culte et la respectueuse liberté des consciences, enleva à l’influence de Voltaire le point d’appui d’opposition qui la soutenait au-dessus de son niveau naturel. […] Le monde tend rationnellement à une indépendance mutuelle absolue de la conscience et du gouvernement, de la foi et de la loi, de Dieu et du prince.