Vous avez donné, par exemple, votre première récompense, deux mille cinq cents francs, à une personne admirable, qui a pris pour tâche d’aller chercher le mal sous ses formes les plus répugnantes et de faire renaître la conscience dans les pauvres êtres où elle est le plus effacée. […] Avec une conscience, une modestie et une discrétion au-dessus de tout éloge, le brave Cadet Simian met son dévouement au service de tout le monde, et les maladies les plus dangereuses comme les offices les plus rebutants ne l’ont jamais fait reculer. […] « Les larmes les plus amères que cette enfant verse secrètement dans le sein de Dieu, dit M. le curé de Château-l’Évêque, ne viennent pas de ce que nous avons dit mais de ce que nous ne pouvons dire sans blesser l’amour-propre, la discrétion, le mutisme de notre protégée… Malgré l’espèce de violation du domicile de l’amitié que nous avons dû commettre pour apprendre ce que nous vous écrivons, il restera beaucoup de choses dans l’oubli et dans le secret de la conscience. » Emmeline ne se plaint jamais et, si elle ouvre son cœur ulcéré, c’est seulement à la sœur de Saint-Vincent-de-Paul de Château-l’Évêque. […] Vertu laïque, vertu congréganiste, vertu philosophique, vertu chrétienne ; vertu d’ancien régime, vertu de régime nouveau ; vertu civique, vertu cléricale ; prenons tout, croyez-moi ; il y en aura assez, il n’y en aura pas trop pour les rudes moments que la conscience humaine peut avoir à traverser.
C’est un bon oreiller sur lequel ma conscience s’endort, dans l’attente du tribunal et de la postérité. » Pauvre Camille ! […] Il dit : Voyez comme on nous traite, voyez ce qu’on dit de nous. Cette naïveté de conscience m’a paru plus plaisante que rien de ce que j’avais vu de lui jusqu’à ce jour, et vous-même, si vous l’avez lu, vous n’aurez pu sans doute vous empêcher de rire comme moi, qu’un homme, trouvant dans un livre où personne n’est nommé une grande quantité d’auteurs qui, d’après leurs écrits, d’après des faits, d’après une longue suite de preuves, sont traités de perturbateurs séditieux, de brouillons faméliques, d’hommes de sang, aille se reconnaître à un tel portrait, et déclarer hautement qu’il voit bien que c’est de lui qu’on a voulu parler. […] Quand il aurait conscience de ces qualités-là, il serait obligé d’imiter d’autant plus en paroles le dévergondage d’alentour, qu’il essaie pour la première fois de s’y soustraire en action. […] Cette place est réservée aux œuvres saines, à celles qui sont pures de ces amalgames étranges et de ces indignités de pensée comme de langage, à celles où le patriotisme et l’humanité ne souffrent aucune composition avec les hommes de sang, et ne se permettent point, comme passeport et comme jeu, de ces goguettes de Régence et de Directoire ; aux œuvres dans lesquelles la conscience morale plus encore que le goût littéraire n’a pas à s’offenser et à rougir de voir Loustalot et Marat, par exemple, grotesquement, impudemment cités entre Tacite et Machiavel d’une part, et Thrasybule et Brutus de l’autre.
Le poëte se mettant au lieu et place du destin, une invention d’homme et d’événements tellement étrange, ressemblante et souveraine, que certaines sectes religieuses en ont horreur comme d’un empiétement sur la Providence, et appellent le poëte « le menteur » ; la conscience de l’homme, prise sur le fait et placée dans un milieu qu’elle combat, gouverne ou transforme, c’est le drame. […] Qui est notre conscience ? […] D’autres Adams, créés par les poètes, incarnent, celui-ci la passion, celui-là le devoir, celui-là la raison, celui-là la conscience, celui-là la chute, celui-là l’ascension. […] l’unique cachot est celui qui mure la conscience.
Désiré Nisard, dans ce célèbre manifeste, avait pris parti pour la réflexion, l’étude, la volonté inspirée, contre l’improvisation, la précipitation, le gaspillage ; parce qu’il s’était rangé du côté de la conscience littéraire contre les succès à tout prix et au rabais ; parce que, là comme dans ses autres écrits, il n’avait pas sacrifié toutes les qualités de l’écrivain à ce pittoresque que nous ne haïssons pas, mais qui avait positivement alors tourné la tête à toute la littérature ; parce qu’il honorait la tradition, qu’on ne respectait plus et même qu’on insultait très bien ; parce qu’il ne concevait pas la Critique en dehors de la morale chrétienne, quand le Beau seul suffit aux âmes, disaient les délicieux Esthétiques de ce temps ; parce qu’enfin il avait en lui la faiblesse la touchante faiblesse du xviie siècle au lieu d’avoir l’orgueil insensé et insupportable du xixe , il fut bientôt classé, par les ardents et les rutilants de ce siècle-là, parmi les effacés, les chagrins, les retardataires, les professeurs d’ailleurs, les pédantisants ! […] Sa conscience a tremblé comme une herbe dans la lumière. […] Dans ces Études de critique littéraire, à propos de l’autorité, des deux morales, et particulièrement de l’aumône, vous sentez à quel point le Christianisme, compris avec cette intelligence de sa vérité la plus profonde et de ses beautés les plus secrètes, a pénétré la pensée de ce critique dont l’esprit, hier, pour vous et pour moi, paraissait rigoureux parce que la conscience était irréprochable, mais dont la politesse exquise, trouvée aujourd’hui dans ses livres, est peut-être de la charité ! […] Nisard, l’incomparable valeur de ces deux volumes où l’écrivain a prouvé, par son exemple, que la pureté de la conscience n’impliquait la fermeture de l’esprit à aucune notion littéraire, et que l’attache aux principes — et à tous les principes — n’empêchait pas non plus d’avoir de la grâce dans l’esprit, car il en a beaucoup, et de l’agrément, puisqu’on jure par ce mot, dans une société dont le premier besoin à l’heure que voici est peut-être d’être amusée.