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773. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

 Les autres, au contraire, trouvent ce traité fort utile, parce qu’il découvre aux hommes les fausses idées qu’ils ont d’eux-mêmes, et leur fait voir que, sans la religion, ils sont incapables de faire aucun bien ; qu’il est toujours bon de se connaître tel qu’on est, quand même il n’y aurait que cet avantage de n’être point trompé dans la connaissance qu’on peut avoir de soi-même. Quoi qu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme, à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’ils (sic) auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. » En envoyant ce projet d’article à M. de La Rochefoucauld, Mme de Sablé y joignait le petit billet suivant, daté du 18 février 1665 : Je vous envoie ce que j’ai pu tirer de ma tête pour mettre dans le Journal des savants. […] Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Roval de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très présente aux soins du monde, aux affaires du bel esprit ; ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès.

774. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

Mais depuis qu’on connaît les siens propres, il n’y a plus moyen de se faire illusion. […] Il a emprunté (pour ne pas dire plus) à Hoffmann, alors peu connu en France, un conte qu’il a intitulé Olivier Brousson, sans dire d’où il l’avait pris. […] — Un autre poëte, moins docte, plus facile et souvent aimable, Ulric Guttinguer, connu de nous pour avoir chanté autrefois notre lac, et qui vient aussi de rassembler ses vers en un seul volume sous ce titre : Les Deux Ages, cite, dans sa préface que nous avons sous les yeux, un passage de Jules Lefèvre, en l’accompagnant d’éloges qui prouvent au moins que tout n’est pas épine dans le sentier : il accorde sans hésiter à son confrère non-seulement la conscience poétique noble et puissante (ce qui n’est que juste), mais encore le génie intime et pénétrant. — Nous ne nous chargeons que de noter en courant : les Aristarques de l’avenir décideront.

775. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

On y sent le philtre, le poison qui, une fois connu, ne se guérit pas ; on emporte avec soi la flèche empoisonnée du désert. » M.  […] Auparavant l’on ne désirait que ce que l’on connaissait : c’était comme une vérité établie, proverbiale : Ignoti nulla cupido, disait Ovide. On ne peut désirer ce qu’on ne connaît pas, répétait à son tour Voltaire.

776. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Il faut saisir quel assemblage des mots fait connaître tout ce qu’il faut et rien que ce qu’il faut connaître de l’idée, dans quel cercle elle peut être enfermée sans étouffer ni flotter. […] Mais comme l’abus de ces termes de liaison donne au discours un air pesant et pédant, et comme d’autre part il paraît facile de s’en passer, on ne se donne pas la peine d’en connaître l’énergie et les propriétés.

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