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1084. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Feuillet de Conches a rassemblé sur l’homme et le peintre tout ce qu’on peut désirer, mais, de plus, l’obligeance bien connue de M.  […] Feuillet de Conches font déjà connaître et dont la publication plus entière deviendra possible avec les années, formera un livre qui se placera tout naturellement à côté du recueil des lettres du Poussin, celui de tous les peintres de qui Léopold Robert relevait le plus, et dont il écrivait à un ami : J’ai été enchanté de me rapprocher autant avec vous pour ce que vous me dites du Poussin. […] Je vis extrêmement retiré, j’ai la société de mon frère qui est un bon enfant, nous sommes heureux de notre vie tranquille : tant il est vrai qu’il n’y a que la vertu qui donne ce calme, ce bien-être qui est trop peu connu ! […] Navez ces paroles tout empreintes d’affection amicale et d’esprit de famille : Il est vrai que tu as tout pour te trouver heureux d’être au monde : tu te trouves dans ta patrie, honoré et considéré pour ton talent brillant ; estimé, aimé par toutes les personnes qui te connaissent ; regardé par la Fortune de son œil le plus favorable ; heureux époux, heureux père. […] tout est connu par lui, tout a été consulté : et moi, qui suis d’une ignorance si grande que je m’en étonne !

1085. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Pierre Charron (ou le Charron) dont l’ouvrage le plus connu, le livre De la sagesse, ne parut qu’en 1601, naquit en plein xvie  siècle, en 1541, à Paris, d’un père libraire, qui n’eut pas moins de vingt-cinq enfants. […] Pascal, si bien connu aujourd’hui, nous servira au besoin de lumière pour le bien comprendre et l’éclairer. […] Il le dit quelque part très ingénieusement (j’y rajeunis à peine quelques mots) : Il semble que pour planter et installer le christianisme en un peuple mécréant et infidèle comme maintenant est la Chine, ce serait une très belle méthode de commencer par ces propositions et persuasions : Que tout le savoir du monde n’est que vanité et mensonge ; — Que le monde est tout confit, déchiré et vilainé d’opinions fantasques, forgées en son propre cerveau ; — Que Dieu a bien créé l’homme pour connaître la vérité, mais qu’il ne la peut connaître de soi, ni par aucun moyen humain, et qu’il faut que Dieu même, au sein duquel elle réside, et qui en a fait venir l’envie à l’homme, la révèle comme il a fait, etc., etc. […] Je n’irai pas pourtant jusqu’à en conclure qu’il n’y avait point une part de christianisme sincère en lui, même depuis qu’il eut connu Montaigne, et une part de christianisme plus grande et plus profonde qu’il ne le soupçonnait lui-même en certains moments où il s’entêtait en artiste de son idée de sagesse.

1086. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Enfin le meilleur éloge qu’on puisse faire de cette réfutation trop peu connue, c’est que, pour le ton comme pour le fond, elle eût été digne d’être estimée par Charron lui-même46. […] C’est aussi l’inverse de cet autre mot connu : « Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Voltaire, c’est tout le monde. » 43. […] [NdA] Le peu qu’on sait sur l’auteur de ce livre est dû à Gui Patin, dans une de ses lettres à Spon (17 août 1643) : « Des Considérations sur la sagesse de Charron, dit-il, le vrai auteur, qui n’aime pas d’être connu, est M.  […] À propos de certaines locutions de la langue française, à l’article faire croire ou faire accroire, Scipion Du Pleix, dans sa polémique contre les novateurs, disait : « Il me souvient que René Charron, Parisien (que j’ai connu familièrement en ma jeunesse, lui étant théologal à Condom), homme plus signalé par la pureté de son style que par celle de sa croyance, rejetait et condamnait ce verbe accroire et disait toujours faire croire. […] Ce témoignage moins connu que d’autres a cela de particulier qu’il porte précisément sur le charme de la manière de Montaigne, en ce qu’elle a de plus opposé à la méthode de Charron : « Dans mon innocente et fortunée solitude, écrivait Jean de Muller (1784-1785), je travaille dix ou onze heures par jour à mon livre (sa grande histoire helvétique) ; vient ensuite une heure donnée à la correspondance, le reste à la société ; ma société du matin, c’est Moïse ou Paul, celle du soir Cicéron, Métastase et Montaigne ; parfois, quand l’horizon se trouble, vient un certain ami bien cher qui ne me quitte guère, nommé Horace ; il me dit : « Deme supercilio nubem… » Et à son frère, dans une lettre du 4 décembre 1788 : « Je te conseille de composer souvent ; cela est indispensable à un esprit comme le tien ; écris tes pensées sur les choses, les livres, les hommes ; qu’il sorte de là une collection à la Montaigne.

1087. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Quelqu’un lui proposa d’assister à un dîner où il trouverait assemblés tous les hommes célèbres dont les noms sont connus en Europe. […] Un voyage d’Italie en 1773 et 1774 l’initia au monde des arts et au sentiment de la vraie beauté : il y vit et y connut, chemin faisant, tout ce qu’il y avait de distingué et de célèbre, depuis le pape Ganganelli auquel il fut présenté, jusqu’au comte Firmian, premier ministre de l’Autriche dans le Milanais et en réalité vice-roi de la Lombardie, qui l’accueillit avec amitié. […] Je ne sais si vous connaissez les usages ; on vous enverra des notes. […] Il n’avait pas attendu d’être si proche voisin de Coppet pour devenir un ami particulier des Necker et pour connaître familièrement Mme de Staël. […] Là seulement, disait Bonstetten, j’appris à connaître l’ignorance.

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