Depuis 1613, année où Regnier mourut, jusqu’en 1782, année ou commencèrent les premiers chants d’André Chénier, je ne vois, en exceptant les dramatiques, de poëte parent de ces deux grands hommes que La Fontaine, qui en est comme un mélange agréablement tempéré. […] Après plusieurs voyages, retiré aux environs de Paris, il commençait une vie heureuse dans laquelle l’étude et l’amitié empiétaient de plus en plus sur les plaisirs, quand la Révolution éclata. […] Et d’abord, à commencer par Dieu, ab Jove principium, nous trouvons, et avec regret, que cette magnifique et féconde idée est trop absente de leur poésie, et qu’elle la laisse déserte du côté du ciel.
On commençait vers la fin du siècle à viser à l’heure. […] Il a exactement commencé avec ce régime, il l’a servi officiellement, il y a fleuri, et s’il s’est très-bien conservé sous le suivant et durant les belles années du libéralisme, il a toujours gardé son premier pli. […] Molé, où rien n’est hors d’œuvre, me rappelle à cette séance de tout à l’heure, qui avait commencé par être des plus belles et qui a fini par être des plus intéressantes.
L’élément proprement romanesque, la particularité des noms, des lieux, des faits flattaient la frivolité du public, et les besoins d’imagination et de sensibilité qui commençaient à s’y éveiller. […] Et tandis que Florian dévie vers la fade idylle505 le goût des tableaux rustiques éveillé par Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre offre une nature inconnue et lointaine à la curiosité de ses contemporains : avec Paul et Virginie, nous le verrons, commence à s’opérer une révolution esthétique. […] Son premier roman commença à paraître en 1728 : Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde, autobiographie romancée ; puis en 1732, Cleveland ; en 1735, le Doyen de Killerine.
C’est, je crois, Bernardin de Saint-Pierre, ce grand vagabond, ce génie hardi et tendre, qui a commencé à voir. […] J’ai dit que l’humanité supérieure n’avait commencé que depuis un siècle à bien saisir la merveilleuse diversité de son habitacle. […] Et dehors, dans les jardins, des jeunes filles vêtues de mousseline chantent des choeurs, comme dans l’île d’Utopie ou dans les Atlantides ; puis les danses commencent, lascives, furieuses, qui finissent vers l’aube par la fête universelle de la chair… Mettez toutes ces impressions ensemble, et d’autres encore, indéfinissables, que j’oublie, et vous comprendrez qu’il n’y a rien de plus sensuel, de plus languissant, de plus mélancolique que le Mariage de Loti.