En ce livre d’un renseignement inouï, il y a des chapitres intitulés : « Source de la fortune de Voltaire, Banqueroutes essuyées par Voltaire, Rapports de Voltaire avec ses débiteurs, Comme quoi Voltaire prêtait à des taux exorbitants, Idolâtrie de Voltaire pour les rentes viagères » ; d’autres : « Régime de Voltaire, Voltaire parasite, Voltaire à la recherche d’une résidence somptueuse au meilleur marché possible » ; et vous voyez tour à tour passer devant vous, sous tous les aspects que sa nature de caméléon et de singe lui permettait de revêtir, et sans quitter sa forme de Voltaire, tous les types de la Comédie : Harpagon, le Menteur, Tartuffe, Chicaneau, le Bourgeois gentilhomme et le Malade imaginaire, qui composaient sa mobile et divergente identité ! […] Ce masque impénétrable à tout, excepté à l’ironie qui le traversait toujours et au cynisme qui l’entrouvrait quelquefois, ce masque, qui a été en France le vrai masque de la Comédie pendant cinquante ans, a tellement amusé le xviiie siècle et nous amuse tant encore aujourd’hui de sa gaîté électrique et enragée et des nombreuses physionomies qui s’y succèdent, qu’en le trouvant plus ressemblant que jamais dans le livre de M.
Le Paradoxe du Comédien, de Diderot, ne s’applique pas qu’au comédien et à la comédie. Il s’applique aussi à cette autre comédie qui s’appelle l’art en littérature, et à cet autre comédien qu’on nomme l’écrivain.
Le tendre Maniloff, à qui « on voudrait voir une passion, une manie, un vice, afin de lui savoir quelque chose », madame Koroboutchine, Nozdref le hâbleur, Pluchkine l’avare, — ces tics plutôt que ces passions, — ne peuvent pas être mis à côté de la magnifique variété d’individualités qui foisonnent dans la Comédie humaine, et qui sont taillées si profond que les gens qui ne voient pas à une certaine profondeur ne les croient plus vrais, les pauvres myopes ! […] Il est l’auteur d’une comédie politique intitulée le Revisor, où il n’y a ni situation dramatique, ni imagination quelconque, mais du mordant ; seulement, ce mordant n’est pas gai.
il procéda par masses, comme, sur les champs de bataille, Napoléon avait procédé… Ce sont véritablement des masses napoléoniennes que ces armées de personnages qui se tassent dans La Comédie humaine, où, sans la mort à jamais lamentable de l’homme qui les faisait vivre et se mouvoir, tiendrait tout entier le xixe siècle ! […] car il a mis dans sa Comédie humaine toute la civilisation du sien.