Les événements du drame lui apprennent tour à tour qu’elle est chrétienne, de la race des anciens rois de Jérusalem, fille du dernier Lusignan, que son père vit encore. Elle le voit ; il l’exhorte avec l’autorité du sang, des cheveux blancs, de la mort qui s’approche, à confesser la foi chrétienne. […] Cette loi chrétienne, quelle est-elle ? […] Zaïre a fait son sacrifice ; ce cœur si tendre jette un dernier cri : Pardonnez-moi, chrétiens, qui ne l’aurait aimé ? […] On exposerait, d’ailleurs, à des représailles Corneille et Racine, qui, eux aussi, accommodent l’histoire à leur temps et font parler des Romains en théologiens et des petites-filles de Jupiter en chrétiennes.
Ce que Charron fit pour la morale universelle humaine, François de Sales le fit pour la morale chrétienne. […] On pouvait croire que, pour Charron, la religion n’était que la théologie, c’est à savoir, la science et la discussion des sources de la religion, une science d’obligation dans un pays chrétien, mais d’ailleurs sans application à la conduite de la vie, dans les rapports purement humains. Cet homme, si profondément chrétien, qui était chanoine et voulait être chartreux, ayant, pour ainsi dire sous la main une doctrine qui règle toutes choses d’une manière si simple, qui ne laisse aucune objection sans réponse, aucune contradiction sans l’expliquer, demandait à cette sagesse, dont Montaigne venait de lui faire voir si clairement les obscurités et les misères, une règle dont l’imperfection avait été la thèse même du livre des Essais. Entre deux sortes de réfutation des athées des païens et des schismatiques, la réfutation philosophique et humaine, et la réfutation selon la foi et la théologie, il s’attachait à la première, et il composait pour des chrétiens une sagesse de tous les aphorismes des païens. […] Le médecin de l’homme n’est plus l’homme, c’est Dieu lui-même, entourant l’âme chrétienne de sa providence, et s’insinuant dans ses plus secrets mouvements.
Elle n’avait pas même besoin de la tendre pour qu’elle y tombât, spontanément offerte qu’elle était, cette aumône, par la foi et l’enthousiasme fraternel des premiers Chrétiens ! […] Ce gouvernement temporel, qu’on rêve de supprimer, se reformerait comme à l’origine de la société chrétienne, tant il est nécessaire à cette société pour qu’elle soit, et tant, sans ce pouvoir temporel, il est impossible à la raison même de concevoir cette société ! […] À partir de la conversion de Constantin, la plus grande liberté donnée aux Chrétiens favorisa les donations qu’ils faisaient au clergé.
Cette question de la préexcellence de l’antiquité et de sa supériorité sur la société chrétienne, ce n’est pas d’hier qu’elle a été posée. […] Au xviie siècle, sous un régime d’idées et de mœurs· redevenues chrétiennes, la grande question revint, mais par un angle. […] Pour mon compte, il me satisfait à la fois dans ma double conscience de moderne et de chrétien.