Un fils qu’il avait eu de son second mariage n’avait pas vécu ; mais il avait une fille qu’il aimait tendrement, nommée du nom d’Eugénie, et que tout annonce avoir été charmante. […] Heureux dans mon ménage, heureux par ma charmante fille, heureux par mes anciens amis, je ne demande plus rien aux hommes, ayant rempli tous mes devoirs austères (entendez cet austères, sans trop d’austérité) de fils, d’époux, de père, de frère, d’ami, d’homme enfin, de Français et de bon citoyen ; ce dernier, cet affreux procès m’a fait du moins un bien, en me mettant à même de rétrécir mon cercle, de discerner mes vrais amis de mes frivoles connaissances. […] Il était plus fidèle à sa nature quand il écrivait à Collin d’Harleville qui lui avait envoyé un poème allégorique sur Melpomène et sur Thalie : Pour lire un joli poème, s’amuser d’un charmant ouvrage, il faut, mon cher citoyen, avoir le cœur serein, la tête libre ; et bien peu de ces doux moments sont réservés à la vieillesse.
Le caractère de la conversation comme nous l’entendons en société, et ce qui la distingue chez les modernes, c’est que les femmes y ont été admises ; et c’est ce qui fait qu’au Moyen Âge, aux beaux moments, dans certaines cours du Midi, en Normandie, en France ou en Angleterre, il a dû y avoir de la conversation charmante. […] Telle que je viens de la montrer dans l’ensemble, en fâchant de ne pas forcer les traits et en évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé ; elle a été la digne sœur de François Ier, la digne patronne de la Renaissance, la digne aïeule de Henri IV par la clémence comme par l’enjouement, et, dans l’auréole qui l’entoure, on aime à lui adresser ce couplet que son souvenir appelle et qui se marie bien avec sa pensée : Esprits charmants et légers qui fûtes de tout temps la grâce et l’honneur de la terre de France ; qui avez commencé de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu’on y accueillait quelquefois ; qui étiez l’âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête délicate des châteaux ; qui fleurissiez souvent tout auprès du trône ; qui dissipiez l’ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire, et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers ; qui avez pris bien des formes badines, railleuses, élégantes ou tendres, faciles toujours, et qui n’avez jamais manqué de renaître au moment où l’on vous disait disparus ! les âges, pour nous, deviennent sévères ; le raisonner de plus en plus s’accrédite ; tout loisir a fui ; il y a, jusque dans nos plaisirs, un acharnement qui les fait ressembler à des affaires ; la paix elle-même est sans trêve, tant elle est occupée à l’utile ; jusque dans les journées sereines, les arrière-pensées et les soins sont en bien des âmes : c’est l’heure ou jamais du réveil, c’est l’heure encore une fois de surprendre le monde et de le réjouir ; vous en avez su de tout temps la manière, toujours nouvelle : n’abandonnez jamais la terre de France, Esprits charmants et légers54 !
Le mot, qui veut être cruel, pourrait être charmant. […] … Les femmes seules ne peuvent y atteindre que par le petit bout, — le bout des Mémoires, des commérages, des anecdotes, des choses, personnelles, charmantes souvent sous leurs plumes ; mais pour l’histoire en elle-même, la grande Histoire, interdite même aux poëtes, aux imaginations de trop de flamme, aux génies inventifs, tant elle exige un regard calme et clair pour discerner les choses, et une main juste et ferme pour n’en pas manquer les proportions ! […] Duvergier de Hauranne et une étude de M. de Carné, et cela n’y détonnerait nullement sur l’ennui morne qui règne en cet endroit charmant.
» dit-il, avec un charmant rapport de vérité, et il ajoute excellemment, pour conclure une thèse soutenue avec une raison étincelante : « L’immense supériorité du monde moderne sur le monde antique, c’est, tout en gardant la beauté physique, de l’avoir reconciliée avec la beauté morale », et rien n’est plus vrai. […] Ce serait là plutôt une œuvre de moraliste, qui veut donner envie de la vertu en la peignant charmante, qu’une œuvre d’observation et de réalité ressouvenue. […] Pour sa peine, je souhaite sincèrement qu’il en trouve une — une Héro — sur le bord de ce livre dans lequel il a traversé et nous a fait traverser tant de puretés charmantes ; mais il n’en trouverait pas que son livre n’en serait pas moins méritoire et délicieux — et délicieux, quoique méritoire !