A peine entrée au bal, ce fut autour d’elle un murmure universel d’admiration et de louanges ; son sourire, dont sa mère avait un instant douté, y répondit et ne cessa plus : délicieux ravage ! […] Suivre la vie de Mme de Longueville à cette époque, dans les rivalités commençantes, dans les intrigues et bientôt les guerres de la Fronde, ce serait se condamner (chose agréable d’ailleurs) à émietter les Mémoires du temps ; ce serait surtout vouloir enregistrer tous les caprices d’une âme ambitieuse et tendre, où l’esprit et le cœur sont dupes sans cesse l’un de l’autre ; ce serait prétendre suivre pas à pas l’écume légère, la risée des flots : In vento et rapida scribere oportet aqua162. […] Enfin les sentiments de M. de La Rochefoucauld cessent positivement d’être la boussole de Mme de Longueville : elle semble accueillir sans défaveur les hommages de M. de Nemours ; elle les perd peu après par l’intrigue de Mme de Châtillon, qui les ressaisit comme son bien, et qui en même temps trouve moyen d’obtenir ceux du prince de Condé, lequel échappe de nouveau à la confiance de sa sœur. […] Il aura peut-être agréable l’humiliation de mon cœur et l’enchaînement de mes misères profondes… Adieu, ma chère Mère, mes larmes m’aveuglent ; et s’il étoit de la volonté de Dieu qu’elles causassent la fin de ma vie, elles me paroîtroient plutôt les instruments de mon bien que les effets de mon mal. » M. de Grasse ne cessait aussi de lui écrire, et il l’avait fait avec une sorte d’éloquence, sur cette mort.
Il est aussi un grand diocèse, messieurs, celui-là sans circonscription fixe, qui s’étend par toute la France, par tout le monde, qui a ses ramifications et ses enclaves jusque dans les diocèses de messeigneurs les prélats ; qui gagne et s’augmente sans cesse, insensiblement et peu à peu, plutôt encore que par violence et avec éclat ; qui comprend dans sa largeur et sa latitude des esprits émancipés à divers degrés, mais tous d’accord sur ce point qu’il est besoin avant tout d’être affranchi d’une autorité absolue et d’une soumission aveugle ; un diocèse immense (ou, si vous aimez mieux, une province indéterminée, illimitée) ; qui compte par milliers des déistes, des spiritualistes et disciples de la religion dite naturelle, des panthéistes, des positivistes, des réalistes, … des sceptiques et chercheurs de toute sorte, des adeptes du sens commun et des sectateurs de la science pure : ce diocèse (ce lieu que vous nommerez comme vous le voulez), il est partout, il vient de se déclarer assez manifestement au cœur de l’Autriche elle-même par des actes d’émancipation et de justice, et je conseillerais à tous ceux qui aiment les comparaisons et qui ne fuient pas la lumière, de lire le discours prononcé par le savant médecin et professeur Rokitansky dans la Chambre des seigneurs de Vienne, le 30 mars dernier, sur le sujet même qui nous occupe, la séparation de la science et de l’Église. […] alors on cesse d’être injurié, répudié, maudit, — je ne dis pas dans les chaires sacrées, c’est leur droit, — mais dans les assemblées publiques et politiques. […] En effet, la fièvre a son type dans l’état normal, où sans cesse se font des combustions de l’organisme. […] Et en le nommant ainsi je voudrais éviter, quoique cela soit bien difficile, de nommer et d’indiquer l’Église spirituelle ; je voudrais séparer tous ces esprits, toutes ces âmes respectables et intérieures, tous ces croyants qui ne vivent que du suc intime du christianisme et dont la vie est soumise à des préceptes de douceur et de charité ; — et ce n’est pas ici un hommage d’apparat que je leur rends : j’ai le bonheur d’en compter plusieurs pour amis, et à travers les dissidences de la pensée, je n’ai jamais cessé de sympathiser avec eux par le cœur ; — mais il faut bien le dire, des circonstances récentes, des déterminations politiques qui étaient peut-être nécessaires, ont donné aux hommes actifs et d’humeur ingérante, aux meneurs politiques qui dirigent le parti, des encouragements et des espérances qui, dans leur exaltation bruyante et leur redoublement fiévreux, sont faits pour inspirer des craintes, — non pas de l’effroi, — et pour inquiéter du moins ceux de mon âge, qui, se souvenant des misérables luttes du passé, voudraient en prévenir le retour.
Notes sur la peinture wagnériennex et le salon de 1886 Je croirai longtemps que le Wagnérisme véritable n’est pas seulement à admirer les œuvres musicales de Richard Wagner ; que ces œuvres nous doivent émouvoir surtout comme les exemples d’une théorie-artistique ; et que cette théorie — sans cesse éclairée par le Maître, en ses livres — appelle la fusion de toutes les formes de l’art, dans une intention commune. […] Parce que la vue devenait, déplus en plus, le sens spécial de l’art plastique, et son instrument, les lumières ; mais surtout parce que l’art, à mesure que les esprits s’affinent, exige sans cesse davantage des procédés différents de ceux qu’emploie la réalité, pour nous suggérer la même vie. […] Nous parlons de l’école Française, Allemande ou Italienne, mais l’école Anglaise, comme celles des Pays-Bas, a depuis longtemps cessé d’exister. […] La Société de Dannreuther vécut deux ans ; elle accomplit son but, et nos nourrices cessèrent d’employer le nom de Wagner pour nous effrayer quand nous étions méchants.
I Le mouvement qui, déjà vers 1895, se manifestait dans le roman, la tendance à mêler tous les genres et à s’affranchir des écoles, n’a cessé d’aller en s’accentuant. […] Et, d’abord, qui ne louerait le sentiment si élevé qui a dicté aux fils du général Margueritte leurs premières pages, comme il n’a cessé d’animer tous leurs élans ? […] Cette opposition est tragique lorsque les époux sont dans le divorce, qu’ils n’ont pas cessé de se chérir, et que le réveil de la foi chez l’un d’eux lui donne le remords quotidien de cet amour sans le détruire. […] Mis à même de calculer les forces du passé qui nous commandent, nous accepterions, pour en tirer profit, notre prédestination… Un jeune être isolé de sa nation ne vaut guère plus qu’un mot détaché d’un texte… » « Notre conscience individuelle nous vient de l’amour de notre terre et de nos morts. » Cette formule se trouve sans cesse sous la plume de M.