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575. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

que son frère Joseph vînt en France, qu’il accablât de questions les époux, qu’il morigénât son royal beau-frère, pour qu’un tel état de choses cessât. […] Necker refusa et devait refuser ; touché des avances et des instances de l’ambassadeur, il lui répondait très sensément : « L’animadversion est au comble, et je vous demanderais comme mon ami de me retenir, si le désir de me rapprocher de Leurs Majestés et de travailler au bien public me rendait faible un moment ; car je serais sans force et sans moyens si j’étais associé avec une personne malheureusement perdue dans l’opinion, et à qui l’on croit encore néanmoins le plus grand crédit. » Dès ce moment, c’est la reine qui semble tenir le gouvernail, ce n’est plus le personnage d’au-dessus dont elle parlait tout à l’heure, ce n’est plus Louis XVI, qui n’a plus pour rôle que de céder sans cesse et qui se fait prophète de malheur en cédant. […] On veut agir, mais non comme il le voudrait et selon la devise : Tout par la France et rien qu’avec la France ; non en faisant de la Révolution et de la restauration même du pouvoir royal une vaste querelle domestique, patriotique, sans intervention d’aucun voisin : au contraire, on ne cesse d’avoir son arrière-pensée, on fait toujours entrer l’étranger, sa menace du moins et sa pression, pour une part essentielle dans les projets d’avenir.

576. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Il résultait de là, selon Wolf, que les poëmes d’Homère, tels qu’ils existaient d’abord à l’état homérique primitif, étaient et devaient être tout ce qu’il y a de plus différent des poëmes d’un Apollonius de Rhodes, d’un Virgile, d’un Milton, de tout autre poëte épique destiné à être lu ; qu’ils flottaient épars, comme des membres vivants, dans une atmosphère créatrice et imprégnée de germes de poésie ; mais que, tels que nous les avons et les lisons aujourd’hui, ils ne datent guère que de l’époque de Solon et surtout de Pisistrate, lorsque, le souffle général venant à cesser et l’écriture étant en usage, on sentit le besoin de recueillir cette richesse publique, cet héritage des temps légendaires, d’en faire en quelque sorte l’inventaire total et d’y mettre un ordre, un lien, avant qu’ils eussent couru les chances de se perdre et de se dissiper. […] L’Homère unique, il est vrai, l’Homère simple, individuel, pareil à un Milton antérieur, a cessé d’être possible : après Wolf, après Lachmann, ces docteurs Strauss de l’homérisme, il n’y a plus moyen de tout sauver : du moins il nous reste à la place un Homère en deux ou trois personnes, en deux ou trois génies. […] Giguet, auteur d’une traduction d’Homère, et l’un des esprits les plus aiguisés et les mieux avisés sur la question, une lettre très-vive dont je citerai la partie essentielle : « Monsieur, veuillez ouvrir votre Iliade et lire : chant IV, les vers 512 et 513, — chant V, les vers 787 à 791, — chant VII, les vers 220 et 230 : — vous reconnaîtrez qu’entre les IIe et VIIIe chants, la colère d’Achille ne cesse pas un instant d’être le nœud du poëme. — Quant à l’ambassade conseillée (chant IX) par Nestor, rapprochez-la des vers de 105 à 110, chant XIII, et réfléchissez à ce qui fût arrivé si Agamemnon n’eût point montré de la bonne volonté, après la première défaite des Achéens.

577. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

On ne peut pourtant pas s’inquiéter à tout jamais des anciens, je le sais, et les avoir sans cesse interposés entre son objet et soi. […] Ce sont des modernes et de purs modernes ; ils marchent hors rang, courageux et unis, à leurs risques et périls, se tenant par goût aux avant-postes de l’art ; ils tentent constamment, ils cherchent sans cesse. […] On sait le mot d’Horace Walpole : « La philosophie qu’on affiche cesse d’être la philosophie. »

578. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

de Champagny, honnête homme et travailleur, qui prêtait aux épigrammes, et sur le compte duquel il ne cessait de s’égayer. […] Qu’on n’aille point s’imaginer pour cela qu’elle est moins riche et plus stérile, et que la brusquerie militaire y avait supprimé les combinaisons romanesques ou les menées diplomatiques qui se pratiquaient sous le couvert des galanteries ; ce serait se tromper étrangement ; mais les mémoires particuliers n’ont point paru, les contemporains qui savaient ont cessé de vivre, et les fils, les descendants tiennent eu échec jusqu’à présent les révélations posthumes. […] Il paraît que, dès la fin de 1813, il avait insinué quelques-unes de ses idées jusque dans le gouvernement même ; Napoléon écrivait de Nogent-sur-Seine, le 7 février 1814, au roi Joseph, son lieutenant général à Paris, et qui lui-même était d’humeur pacifique et douce : « Faites donc cesser ces prières de quarante heures et ces miserere.

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