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267. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Ce vieillard, qui parle en prophète, ne cesse pas d’être un paysan. […] Qu’il cesse de dédaigner les vertus de famille ; elles ont leur grandeur, peut-être plus propre à émouvoir que les vertus chevaleresques. […] Mais est-il rien de petit pour une imagination déchaînée qui se fatigue sans cesse à tout grandir ? […] Les poètes mêmes, les artistes oublient le chemin de la maison où achève d’expirer ce qui reste de Henri Heine ; pour l’art qui n’a d’autre culte que la vie, c’est un vilain spectacle que celui d’une agonie qui semble sans cesse près de finir et qui, sans cesse, recommence. […] Plus elle fait d’efforts pour concevoir ce Dieu, plus elle s’irrite de retomber vaincue sur elle-même à chaque nouvel effort, d’étendre sans cesse la main et de la retirer sans cesse vide.

268. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Cependant le cardinal Fleury voulut bien le croire et cessa de faire opposition au nom du roi. […] Comme être intelligent, il viole sans cesse les lois que Dieu a établies, et change celles qu’il établit lui-même. […] « Sitôt que les hommes sont en société, ils perdent le sentiment de leur faiblesse ; l’égalité qui était entre eux cesse, et l’état de guerre commence. […] » Et il oublie que la république romaine, qu’il exalte, a cessé de vivre le jour où elle a cessé de conquérir ! […] Que serait la monarchie britannique sans le pays de Galles, l’Écosse, l’Irlande, les deux Indes et les flots de la mer sans cesse conquis ?

269. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Petit mutin, c’est donc ainsi que tu feras sans cesse le tourment de ces jeunes animaux, placés comme nous sous la protection de notre divin Gourou. […] Cesse, ô mon fils ! […] Instruite actuellement de la vérité tout entière, tu ne dois plus conserver le moindre ressentiment pour un époux qui, de sa pleine volonté, n’eût jamais cessé de te chérir. […] Vous le jugez mal : une statue d’or de sa chère Sita est sans cesse sous ses yeux. […] Ses lamentations sur le sort de sa fille ont autant de douleur et plus de piété que celles de Priam ou d’Hécube dans les tragédies grecques : « Le chagrin, comme une scie aux dents aiguës, déchire sans cesse mon cœur.

270. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Et pourtant ils ne cessent jamais de raccompagner, relatifs avec elle à des objets visibles, si nous contemplons quelque chose, étrangers comme elle à tout ce qui nous environne, si nous sommes immobiles et plongés dans nos réflexions, ou si nous marchons par habitude, sans regarder même notre route, tout entiers à une rêverie, à une méditation, ou bien ne pensant à rien, ce qui est encore penser à quelque chose. […] Elle reparaît à plus forte raison si notre attention se laisse détourner, si nous cessons d’écouter, nous reprenant à suivre le cours de nos pensées ou nous laissant séduire à contempler les objets qui nous entourent. […] Mais chez tous sans exception, chez les esprits étroits et lourds qui parcourent sans cesse un même cercle d’idées, chez les esprits légers, vagabonds, superficiels, chez ces derniers comme chez les plus profonds penseurs, chez l’orateur le plus abondant et le plus disposé à répandre au dehors une verve intarissable, comme chez le plus timide et le plus respectueux des disciples, le langage intérieur occupe dans l’existence une place plus grande que le langage extérieur énoncé ou entendu. […] Mais dans la pure contemplation, on en vient tellement à parler à Dieu qu’on n’aplus un autre langage que celui que lui seul entend… ; on ne lui dit qu’on l’aime qu’en aimant… Si l’on vient et jusqu’où l’on vient à la perfection d’un tel acte pendant cette vie, et si l’on en peut venir jusqu’au point de faire entièrement cesser au dedans de soi toute image et toute parole, je le laisse à décider aux parfaits spirituels. […] Dans ce court chapitre, l’éminent psychologue a fait justice des théories nécessitaires sans cesse rééditées par les écoles les plus diverses ; dans l’union intime du langage et de la pensée, dans la suppléance de la parole extérieure par la parole intérieure, il ne voit qu’une « habitude invétérée, acquise » parce qu’elle était « commode ».

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