Est-ce ce caractère de malheur complet et immérité qui a déterminé Lecoy à écrire cette vie, qui n’est pas, après tout, un de ces grands sujets tentants pour un historien moderne, s’il n’a pas, comme Thierry, l’imagination sentimentale et mélancolique… Certes ! […] Opprimé par le poids de ces deux royaumes, René d’Anjou, un des puissants féodaux d’une époque où la France, dont son État faisait féodalement partie, était déchirée par les Anglais, René d’Anjou était le fils d’Yolande d’Aragon, une grande femme d’un temps où les femmes furent plus grandes que les hommes, et qui, presque Blanche de Castille par le caractère et par la sagesse, l’avait élevé presque comme saint Louis. […] Vaincu dans la « piteuse et douloureuse journée de « Bulgnéville », où s’agitait, sous la lutte des intérêts féodaux, la grande question de domination posée entre la France et l’Angleterre, ayant à cette bataille combattu le dernier avec cette furie qui était le caractère de sa bravoure, blessé à trois places et au visage, il fut obligé de se rendre au duc de Bourgogne et emmené prisonnier à Dijon. […] Mais sa fille, Marguerite d’Anjou, les effaça, sous le voisinage écrasant de son caractère, de sa gloire orageuse, du pathétique de ses malheurs.
La grandeur humaine, c’est toujours du caractère ou du génie. Or, le caractère de Gœthe a une clef dans le dos ; c’est un caractère de chambellan. […] Or, il est certain que si elles sont vagues, pédantesques et vulgaires (le triple caractère du livre d’Eckermann), la faute n’en est à aucune distraction du grand homme, qui se permet çà et là d’être homme.
De toutes les œuvres de l’esprit humain, une comédie n’est pas la moins grande, et elle demande surtout, pour parler le langage des sociétés avancées dont elle retrace les mœurs ou les caractères, une intelligence profondément cultivée et littéraire, qui n’est pas précisément, comme on le sait, le genre d’intelligence de Μ. de Girardin. […] Il n’y a ni l’idée d’un caractère, ni celle d’une scène. […] … L’autre moitié serait des caractères, une peinture de mœurs sincère et profonde, du dialogue étincelant ou mordant. Or, Μ. de Girardin n’a ni dialogue, ni caractères, ni mœurs.
Le caractère du talent de M. de La Madelène est une grande douceur dans une grande lumière : mais ne vous y méprenez pas ! […] Ces enfants gâtés du soleil et souvent terribles, M. de La Madelène les a fait vivre tels qu’ils sont, non pas seulement dans leur vie domestique et de foyer, mais dans leur vie collective, leur vie d’assemblée, d’émeute, de farandoles et de batailles, car le plein air, le dehors, la place publique, sont pour eux bien plus le foyer que le coin du feu de la maison ; il nous les a montrés en plein dix-neuvième siècle et à cette heure du dix-neuvième siècle, dominés par l’incoercible élément méridional, qui leur donne encore la physionomie des ancêtres ; par ce caractère héréditaire et local que la poussière humaine ne perd que le dernier, et qui se révolte avec tant d’énergie sous l’émiettant et l’aplanissant rouleau que la civilisation, cette Tarquine à la main douce, qui ne fait pas voler les têtes de pavot sous les coups de baguette, mais qui se contente de les coucher par terre en les caressant, promène par-dessus toutes choses, comme dans une allée de jardin ! […] Dans la littérature contemporaine, nous ne connaissons rien de plus habilement et de plus finement tracé que ce caractère d’Espérit, ce génie de village venu en pleine terre et qui n’est pas seulement le génie de l’industrie, moins étonnant et tout de suite compris parmi ces populations actives et âprement utilitaires, mais le génie, l’inutile et contemplatif génie de l’art, cette divine paresse, que, de tous les genres de génie qu’il a donnés aux hommes, Dieu a fait certainement le plus beau ! […] Dès les premières pages de ce roman, qui marche toujours et ne s’arrête qu’à la dernière, le développement du caractère d’Espérit et celui des faits et des épisodes sont congénères.