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711. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Car si, d’un côté, toute théorie positive doit nécessairement être fondée sur des observations, il est également sensible, d’un autre côté, que, pour se livrer à l’observation, notre esprit a besoin d’une théorie quelconque. […] Ainsi, pour en citer l’exemple le plus admirable, nous disons que les phénomènes généraux de l’univers sont expliqués, autant qu’ils puissent l’être, par la loi de la gravitation newtonienne, parce que, d’un côté, cette belle théorie nous montre toute l’immense variété des faits astronomiques, comme n’étant qu’un seul et même fait envisage sous divers points de vue : la tendance constante de toutes les molécules les unes vers les autres en raison directe de leurs masses, et en raison inverse des carrés de leurs distances ; tandis que, d’un autre côté, ce fait général nous est présenté comme une simple extension d’un phénomène qui nous est éminemment familier, et que, par cela seul, nous regardons comme parfaitement connu, la pesanteur des corps à la surface de la terre. […] Car, d’un côté, il serait impossible de concevoir un cours de philosophie positive sans la fondation de la physique sociale, puisqu’il manquerait alors un élément essentiel, et que, par cela seul, les conceptions ne sauraient avoir ce caractère de généralité qui doit en être le principal attribut, et qui distingue notre étude actuelle de la série des études spéciales. […] Ne nous dissimulons pas que c’est là essentiellement le côté faible par lequel les partisans de la philosophie théologique et de la philosophie métaphysique peuvent encore attaquer avec quelque espoir de succès la philosophie positive. […] D’un côté, on vous recommande de vous isoler, autant que possible, de toute sensation extérieure, il faut surtout vous interdire tout travail intellectuel ; car, si vous étiez seulement occupés à faire le calcul le plus simple, que deviendrait l’observation intérieure ?

712. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Nul plus que nous ne se préoccupe du raffermissement d’une autorité ébranlée ; nul ne prend plus en considération les grands motifs que nous avons fait valoir de voiler, pendant certaines phases, les côtés dangereux de l’histoire, comme Montesquieu veut qu’on voile la statue de la Liberté ; de contenir la vérité dans son intérêt même, car elle est une ; enfin, de mettre la main autour du flambeau pour sauver la lumière, parce que l’air est agité encore. […] Ces théoriciens de désordre, les uns aveugles, les autres clairvoyants, mais qui tous, surtout les derniers, avaient le fanatisme de l’impiété autant qu’ils accusaient leurs adversaires d’avoir le fanatisme de la religion, travaillaient à outrance l’esprit des peuples, le prenant par ses mille côtés à la fois, mais s’entendant pour n’y imprimer qu’une seule idée, une idée de ruine et de mort. […] On le vit recruter dans tous les rangs et de tous les côtés, des soldats. […] La littérature n’est qu’une bagatelle difficile, à côté d’une question d’État aussi profonde que celle qui se trouve sous l’histoire des Jésuites et de leur abolition. […] De leur plein gré, ils s’anéantissent ; ils s’ôtent humblement de la balance dans laquelle Dieu pèse les peuples et qu’ils eussent fait pencher, peut-être, du côté du salut, par leur poids.

713. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Voyez cette page, par exemple, sur une danseuse (un des personnages du roman), une espèce de danseuse composite, faite de deux réverbérations de ces deux êtres évaporés, Fanny Elssler et Taglioni, et qui, vieillie, brisée, anéantie, le spectre charmant d’elle-même, se remet un soir à danser sous l’influence d’une impression heureuse, et demandez-vous si ce poète, qui a chancelé un moment du côté du Réalisme, a eu jamais davantage ce que le Réalisme, cette brosse qui se croit un pinceau, a le moins :   la nuance opalisée, la transparence, la grâce, l’immatérialité ! […] Le duc de Mora, que tout le monde a nommé, et qui relève, du reste, inévitablement de l’Histoire, est bien moins pris ici par son côté historique que par le côté intime de sa personne et de ses mœurs. […] Très moderne par ce côté-là, le roman de Daudet est aussi parisien par un autre. […] Des deux côtés, c’est le succès.

714. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

mais d’un Esprit des Lois relevé de plus de généralités et d’épigrammes qu’on n’en trouve dans Montesquieu… Le grand moraliste du xviie  siècle a dans ses Caractères un chapitre du costume qui, par un côté, touche au sujet traité par Balzac, et par un autre s’en éloigne, mais c’était là tout ou à peu près… Qui s’était jamais avisé de superposer des axiomes à tous ces faits, jusque-là sans raison, — on le croyait du moins, — qui constituent, dans une civilisation avancée, la vie élégante, de toutes les manières de vivre la plus difficile à fixer et à caractériser ? […] Si nous voulons nous rendre compte de nos différents ordres d’impressions, le drolatique n’est pas le fantastique, mais il y touche par le côté heureux et dilaté de la nature humaine. […] Doré, qui comprend si bien le côté physique du Moyen Âge et n’a peur d’aucun détail poignant ou immonde des passions naïves de ce temps, n’en comprend pas si bien le côté pur, fermé, intime et religieux. […] S’il ne s’agit plus impérieusement, à ce qu’il semble, de Balzac, dont l’œuvre est faite, — et connue, — il s’agit de vous, messieurs les éditeurs, dont l’édition n’est que commencée, qui faites des dérangements dans l’œuvre connue, et qui nous promettez de superbes arrangements à côté !

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