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27. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Après avoir bien établi que la foi est une faculté qu’il ne dépend point de nous d’acquérir, examinons avec impartialité ce qu’elle peut pour le bonheur, et présentons d’abord ses principaux avantages. […] Quand le vrai chrétien s’est acquitté de ses devoirs, son bonheur ne le regarde plus ; il ne s’informe pas quel sort lui est échu, il ne sait pas ce qu’il faut désirer ou craindre, il n’est certain que de ses devoirs ; les meilleures qualités de l’âme, la générosité, la sensibilité, loin de faire cesser tous les combats intérieurs, peuvent, dans la lutte des passions, opposer l’une à l’autre, des affections d’une égale force ; mais la religion donne pour guide un code, où, dans toutes les circonstances, ce qu’on doit faire est résolu par une loi. […] Quelle somme de bonheur équivaut à l’intensité de la peine ? […] On ne m’accusera point, je crois, d’avoir affaibli le tableau de l’influence de la religion, cependant je ne pense pas qu’indépendamment de l’inutilité des efforts qu’on pourrait faire à cet égard sur soi-même, on doive compter l’absorbation de la foi au rang des meilleurs moyens de bonheur pour les hommes. Il n’est pas de mon sujet, dans cette première partie, de considérer la religion dans ses relations politiques, c’est-à-dire, dans l’utilité dont elle doit être à la stabilité et au bonheur de l’état social, mais je l’examine sous le rapport de ses effets individuels.

28. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Dès l’abord, le premier essai du bonheur nous y précipite. « Car à peine obtenu, ce bonheur, si ardemment, si uniquement désiré, effraye l’âme de son insuffisance ; en vain elle s’épuise à y chercher ce qu’elle avait rêvé ; cette recherche même le flétrit et le décolore ; ce qu’il paraissait, il ne l’est point ; ce qu’il promettait, il ne le tient pas : tout le bonheur que la vie pouvait donner est venu, et le désir du bonheur n’est point éteint. Le bonheur est donc une ombre, la vie une déception, nos désirs un piège trompeur. […] Or, en étudiant la nature, c’est-à-dire les tendances fondamentales de l’homme, on s’aperçoit qu’elle ne peut être satisfaite en ce monde, et, par exemple, atteindre la plénitude de la science, de l’activité, du bonheur. […] Notre premier bonheur est de vivre parmi nos semblables, et pour le fond de l’âme, M. 

29. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

J’ai ajouté qu’elle devait être bien persuadée du regret que j’avais de retarder le bonheur que goûterait M.  […] Son vœu de poëte et de créole se reportait par-delà les mers, vers ce berceau natal des Antilles, qui lui semblait recéler pour son existence fatiguée le dernier abri du bonheur. […]    Dans cette triste inquiétude On passe ainsi la vie à chercher le bonheur : A quoi sert de changer de lieux et d’habitude,    Quand on ne peut changer son cœur ? […] Chacun, plus ou moins, est ainsi ; chacun a son rêve, sa patrie d’au-delà, son île du bonheur. […] Le bonheur ne court pas le monde ; Il faut vivre où l’on est heureux.

30. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Elle croit tout perdu pour une légère faveur ; il la raille de ses tourments, de ses petits malheurs dans le bonheur : « Vous êtes adorable, enfant ! […] Il n’y aura pas de bonheur pour vous dans ce petit voyage que nous pouvons faire ensemble ; mais il y aura, j’en suis certain, du plaisir, le plaisir de me savoir heureux. […] Son bonheur d’ailleurs, lorsqu’elle s’accorde des instants, est toujours inquiet, agité, mêlé de craintes. […] ces heures sont encore des heures heureuses, et l’on ne se quitte point sans un vif désir de se retrouver. « J’ai toujours pensé, dit Michel, que les querelles étaient arrangées par la Providence pour les raccommodements. » Et puis, le lendemain de ces journées de bonheur, tout est changé tout d’un coup sans qu’on sache pourquoi. […] Avant d’avoir eu la légende ironique, Gavarni l’a eue amoureuse ; et par exemple, cette pensée encore, cette devise : « Le bonheur de l’amour n’est pas le bonheur qu’on a, c’est celui qu’on donne. » III.

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