Il s’est trompé quand il a cru s’assurer le bonheur par la morale facile. […] En ce temps-là même, les hommes qu’anime le véritable esprit scientifique embrassent avec bonheur les objets de leur pensée, lussent-ils bien creux et chimériques : un Dalembert, un Condorcet se satisfont par leur pensée. […] L’intérêt sentimental qu’on prend aux choses, voilà le bonheur.
III Aussi eut-elle, sinon immédiatement, un succès qui se consolida, et avec une telle force qu’on put le croire indestructible… Pendant vingt-cinq ans pour le moins, en effet, ni les fautes de Buloz, — de piéton modeste et incomparable devenu directeur assis et incompétent, — ni ses humeurs peccantes qui feraient le bonheur d’un médecin de Molière, ni sa tyrannie bourrue et tracassière, ni son orgueil durci par la fortune, ni les bornes sourdes de son esprit, ni ses procédés hérissons, ni ses grognements ursins, ni l’horreur de ses meilleurs écrivains mis en fuite par cet ensemble de choses charmantes, ni l’ennui enfin le plus compacte qui soit jamais tombé d’un recueil périodique sur le lecteur assommé, rien n’a pu le diminuer, ce succès étrange, ou l’interrompre un seul jour… C’est à n’y pas croire ! […] Mais quand il vit que le succès de sa Revue tenait à d’autres causes que le talent des écrivains, ô bonheur ! […] Cette ressemblance par le bonheur, malgré les différences dans la manière de s’y prendre pour y arriver, entre l’ancien directeur de l’Opéra et le directeur présent de la Revue des Deux Mondes, Véron l’a si bien sentie qu’elle a décidé de sa bienveillance pour Buloz.
Il n’a pas le bonheur, si c’est là un bonheur que cette bonne fortune éphémère, d’être éloigné de nous et de nous apparaître avec la grandeur et le mirage des bâtons flottants ! […] Les reproches que l’Histoire fera à Lamartine seront, pour la postérité, — oublieuse des fautes politiques parce que la politique est chose de passage, — noyés dans le sentiment de ses œuvres, qui donneront toujours à ceux qui les liront un bonheur qu’aucune forme de gouvernement ne peut donner, et elles ne feront pas plus de bruit, à quelques siècles de distance, que les gouttelettes d’eau des avirons soulevés quand la barque touche au rivage !
C'est une satire de la société actuelle et du gouvernement, entrelardée d’Hymnes mystiques sur le bonheur du passé et de l’avenir. […] Quant à son avenir et à ses peintures idylliques6 de bonheur champêtre, de pureté virginale, de mariage inviolable (car il soutient le mariage), de propriété partagée à tous et toutefois respectée (car il a l’air de vouloir la propriété contre les phalanstériens, comme il veut la famille), on ne sait à quoi cela aboutirait.