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1967. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Mais, encore un coup, il n’avait pas vingt-neuf ans, et si mourir jeune est beau pour un poëte, s’il y a dans les premiers chants nés du cœur quelque chose d’une fois trouvé et comme d’irrésistible qui suffit par aventure à forcer les temps et à perpétuer la mémoire, il n’en est pas de même du prosateur et de l’érudit. […] En réalité pourtant, on a beau chercher à se le dissimuler, plus on s’éloigne des choses, et moins on en a connaissance, j’entends la connaissance intime et vive ; tous ces je ne sais quoi que les contemporains possédaient et qui composaient la vraie physionomie s’évanouissent ; on perd la tradition pour la lettre écrite. […] Les contemporains eux-mêmes antidatent et font la faute : quel plus bel hommage ! […] Elle me donne le droit de ne plus croire qu’à très-peu de choses, de me lier aux idées plutôt qu’aux hommes, de rire des sols, de mépriser les fripons de toute nuance, de me réfugier plus que jamais dans l’idéale sphère du vrai, du beau, du bien, et d’avoir à cœur encore les bonnes, les vieilles, les excellentes amitiés de quelques fidèles. […] Et si l’on trouvait que je vais bien loin, en appliquant cette gracieuse image à une production quelque peu rabelaisienne, qu’on se rappelle, entre autres, ce riant et beau passage : «  Le Roy que nous demandons est déjà fait par la nature, né au vrai parterre des fleurs de lys de France, rejeton droit et verdoyant du tige de saint Louis.

1968. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Vers le soir la vie reprend : les chants, les cris, mille bruits retentissent de plus belle dans les fourrés et les arbres. […] Nulle part la lutte n’est plus active ni les dangers que court chaque individu plus nombreux, mais aussi nulle part la vie n’est plus belle. […] La place comprise entre les deux parties semi-circulaires de la colonnade du Bernin (mais, je vous en prie, ayez les yeux sur une lithographie de Saint-Pierre), est à mon gré la plus belle qui existe. […] ; il n’y a pas longtemps, dis-je, que je restai frappé d’admiration et de vérité en lisant ces belles considérations sur le principe de la vie, base et opération progressive du Cosmos. […] Fournet (c’est le nom du jeune médecin français qui a écrit ces belles lignes) éclaire plus le Cosmos du savant prussien que l’intelligence n’éclaire la matière inerte des époques.

1969. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« Longtemps la gloire fugitive Semble tromper leur noble orgueil ; La gloire enfin pour eux arrive, Et toujours sa palme tardive Croît plus belle au pied d’un cercueil. […] À peine il rentre en son tombeau, Et le vieux laurier qui l’ombrage, Trois fois inclinant son feuillage, Refleurit plus fier et plus beau. […] XXVIII Fontanes entendit Bonaparte et écrivit dans son sens de belles pages dans le Moniteur. […] Elle était si belle, il y avait sur son visage quelque chose de si divin, qu’elle excita un mouvement de surprise et d’admiration. […] Jamais elle n’avait paru si belle.

1970. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Cet homme qui, faisant à la Du Parc sa cour grondeuse, lui déclare superbement « qu’elle ne passera pour belle chez la race future qu’autant qu’il l’aura dit » (et qu’est-ce que cela pouvait bien faire à Marquise ?) […] Belle sans ornement, dans le simple appareil D’une beauté qu’on vient d’arracher au sommeil. […] Deschanel avait une belle occasion de revenir au vrai sens du mot « romantisme » et de montrer qu’Ériphile est déjà, sauf le style, un personnage dramatique comme on les aimait aux environs de 1830. […] Dans Iphigénie, c’est un sacrifice humain que l’on discute en si beau style. […] Et, d’autre part, comme on veut que la forme soit belle, les personnages de la tragédie doivent parler le langage le plus savant, le plus élégant, le plus propre à nous plaire, à nous chez qui la brute est généralement endormie ou n’est plus capable de tels excès, et qui pouvons nous demander s’il est possible qu’elle se réveille chez des hommes si bien parlants.

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