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1728. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

. — La même hostilité native devait exister entre ces vieilles sorcières venimeuses et le jeune Dieu, beau comme le jour, sain comme la lumière, vainqueur et tueur du serpent Python. […] Mais quiconque a fait le mal comme cet homme, il a beau cacher ses mains sanglantes, nous lui apparaissons avec force et puissance, incorruptibles témoins des morts, créancières du sang répandu. […] On la voit, dans un bas-relief, debout devant un jeune sculpteur qui taille, en beau style dorique, le chapiteau d’une colonne : par-dessus sa tête, elle conseille encore des mécaniciens ajustant les pièces d’une roue hydraulique. […] Ce fut à qui lui ferait le plus beau don d’avènement. […] Leurs traits agrandis s’harmonisent, leurs noir regards n’expriment plus qu’une fixité vigilante ; le rictus grinçant de leur bouche dessine, en se pliant, le sourire ironiquement triste qu’on voit sur les belles têtes de Méduse.

1729. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

À l’âge de quatorze ans, il a commencé à être décapité par les Taï-Ping, et n’a dû son salut qu’à sa queue, qu’il se désole d’avoir moins belle que celle de ses compatriotes. Décidément, à l’exposition du Japon, l’écran au héron d’argent, et le paravent avec toute cette flore sur laque, en pierre dure, en ivoire, en porcelaine, en métaux de toutes sortes : ce sont pour moi les deux plus beaux objets mobiliers, que depuis le commencement du monde a fabriqués l’art industriel chez aucun peuple. […] Si je n’avais pas de bibelots, j’achèterais ce moulage, et n’aurais que cela dans mon salon : ce serait la présence réelle d’une belle réalité. Samedi 12 octobre Vaguant dans les rues campagnardes de Montmorency, en sa belle santé, la princesse appuyée sur mon bras, et souriant au beau soleil de la journée, au bonheur de son heureuse vie entourée de l’affection d’une petite société amie, me dit, s’arrêtant soudainement : « Oui, ce serait bien dur de m’en aller, je l’avoue, je trouve la vie bonne !  […] Cependant, à ma première visite j’avais avisé, à la section de la Chine, un objet que je trouvais un des plus beaux du Champ de Mars, un de ces objets à la richesse barbare et précieuse, digne d’une galerie d’Apollon exotique.

1730. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Quand le livre a paru, quelques optimistes, à la lecture des premières pages, qui sont réellement belles et qui paraissent justes, avaient vu là une si étonnante modification dans les idées présumables de M.  […] appelleront-ils cette histoire, pour parler comme eux de ce qu’il y a de plus enthousiaste, et de plus beau, et de plus sacré : « une blague, dans laquelle on s’est monté le coup » ? […] Ce n’est ici que la première explosion de cette histoire révolutionnaire, dont les commencements furent si purs et si beaux, et presque si charmants, nous ont dit tant d’histoires, auxquelles M.  […] Thomas Carlyle, ce mystique puritain, cette Tête-Ronde de génie qui s’était aiguisé les yeux en lisant la Bible, avait vu ce que n’avaient pas vu ces freluquets politiques qui font les beaux bras dans l’Histoire, ces perruquiers qui frisent la tête de Madame de Lamballe sur sa pique. […] On n’écrivit jamais sur un sujet plus beau une page plus belle.

1731. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Et, d’ailleurs, n’importe où, ni dans leurs romans, ni dans leurs poèmes (Moore a fait un poème fashionable), ni dans Don Juan, la plus belle œuvre que le dandysme, servi par une tête de génie, ait créée jamais, la pensée anglaise n’a exprimé sur cette haute question d’art humain et d’esthétique sociale — l’élégance dans la vie !  […] Plus tard, s’il avait vécu, il serait retourné pleinement à ce rire désabusé qui joue si bien dans les belles rides de la vieillesse. […] Car l’homme s’élève vers ce qui est divin par la tristesse bien plus que par la gaîté, et les perles du rire sont moins belles que les perles des larmes. […] Balzac, le premier homme littéraire du xixe  siècle, et qui en a fait le premier livre, devait tenter des éditeurs intelligents, qui ne pensent pas seulement à consommer une grande et belle affaire, mais, par-dessus le marché, à s’honorer. […] Mais je connais les éditeurs… Il y a dans les magasins des Lévy de certains Mémoires sur la comtesse d’Albany, où l’éditeur nous promettait aussi, et même sur la couverture du livre, en très beaux caractères, des lettres de madame de Staël, de cette grande et faible femme qui n’était pas un homme, comme des niais ont dit qu’elle en était un, croyant par là lui faire honneur, les imbéciles !

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