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1619. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

En l’absence d’une histoire générale et unitaire de la papauté, le plus beau sujet par parenthèse qu’une tête d’ensemble puisse entreprendre, mais qu’avec les hâtes et les distractions de ce malheureux siècle, qui ne peut ni ne veut s’asseoir, on n’entreprendra point demain, il est excellent d’avoir de ces monographies qui enferment une époque dans une circonscription déterminée et qui la creusent. […] Si ce qu’ils ont écrit est vrai et beau, la critique se brisera ou s’usera sur ce marbre. […] Le xve  siècle, malgré le mérite de plusieurs de ses pontifes, a été infidèle à cette belle loi qu’on pourrait appeler la loi même de la papauté : Quand un pape n’est pas un saint et un grand homme tout à la fois, il est l’un ou l’autre, et c’est avec ses saints que la papauté fait l’intérim de ses grands hommes. […] Il fallut que Léon X la condamnât par une bulle, et, depuis, quel beau et terrible livre on pourrait écrire sur les infidélités du clergé français ! 

1620. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

… Assurément, quand on parcourt l’inventaire d’hommes et de choses que nous venons de traverser d’un regard, et qui forme la philosophie française au xixe  siècle, il faut bien avouer qu’un philosophe un peu carré de base n’a pas besoin de l’être beaucoup du sommet pour se faire à bon marché une très belle gloire, à plus forte raison quand il a les facultés de grande volée que l’abbé Gratry a montrées en ces deux volumes qui ne sont, nous le répétons, que les prodromes d’un système intégral arrêté et creusé depuis de longues années dans la pensée de son auteur. […] L’abbé Gratry, que la force intellectuelle du prêtre préserverait de cette philosophie d’inanité quand son ferme esprit ne l’en préserverait pas naturellement, l’abbé Gratry, qui a éprouvé en lisant Hegel quelque chose de la sublime angoisse des beaux enfants du Songe de Jean-Paul, quand la voix du jugement leur crie : « Il n’y a pas de Christ ! […] Rien de plus beau, pour le dire en passant, que cette galerie de théodicées qui s’appellent tour à tour Aristote, Platon, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, Descartes, Pascal, Malebranche, Fénelon, Pétau, Thomassin, Bossuet et Leibnitz. […] Dans le système de l’abbé Gratry, l’homme moral double toujours l’homme métaphysique, et c’est l’homme moral qui a vivifié ce beau travail de sa chaleur presque rayonnante et qui l’a trempé dans les saintes tendresses de l’onction.

1621. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

L’autre jour, un critique, d’un sentiment très ému sur ce poème d’Armelle, Pontmartin, se demandait, et, disait-il, avec mélancolie, ce qu’aurait été le succès d’Achille du Clésieux si son poème d’aujourd’hui avait été publié dans les beaux jours du romantisme, dans cette période de seize années, qui va des Premières Méditations à Jocelyn. […] La vie n’est belle et touchante qu’en se retournant, et elle le devient… de ce qu’elle est perdue ! […] Il l’a, cet accent, — adouci, plaintif et calmé ; mais il l’a… Comme Lamartine, il est un poète de grande inspiration spiritualiste et religieuse, et, disons-le, soit qu’il l’imite, soit qu’il lui ressemble, il procède évidemment de ce beau génie. […] Ce lamartinien a l’instinct des grandes œuvres comme il a l’instinct des beaux vers, et il l’a prouvé par des œuvres chrétiennes immenses.

1622. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Trop philosophe et trop libertin pour avoir le génie de la passion, cette source inépuisable du roman de grande nature humaine, le dix-huitième siècle, le siècle de l’abstraction littéraire comme de l’abstraction philosophique, qui n’eut ni la couleur locale ni aucune autre couleur, — qui ne peignit jamais rien en littérature, — car Rousseau, dans ses Promenades, n’est qu’un lavis, et Buffon dans ses plus belles pages qu’un dessin grandiose, — ce siècle, qui ne comprenait pas qu’on pût être Persan, dut trouver, le fin connaisseur qu’il était en mœurs étrangères ! […] L’auteur des Mystères de Londres, des Amours de Paris, du Fils du Diable, du Bossu, des Fanfarons du Roi et de tant d’autres ouvrages, est, dans l’ordre du roman, ce que les mélodramaturges sont dans l’ordre du drame, et ils ont beau tresser et tordre, dans les implications et les complications de leur œuvre, les événements, les incidents, les péripéties, les surprises ; les mélodramaturges du roman, comme ceux du drame, n’en sont pas moins obligés, dans une mesure quelconque, à la passion, sous peine de n’être plus que des joueurs d’échecs ou de casse-têtes chinois littéraires. […] Féval, à la double nature, aristocratique et artiste, pour cet homme d’esprit qui échappe à tout par le don précieux de l’ironie et n’est dupe de rien, pas même peut-être de ses propres inventions, ne voilà-t-il pas une belle position et une belle gloire que d’être le Dennery du roman et de trôner comme roi d’un genre dans lequel M. 

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