Les théories de l’« Art poétique » (Fin) Quand on sait combien Boileau a été insouciant de l’histoire et des formes accidentelles qui manifestent diversement l’unité essentielle du type humain, on ne s’attend guère à rencontrer dans l’Art poétique, au IIIe chant, à propos de la tragédie, des vers tels que ceux-ci : Des siècles, des pays, étudiez les mœurs ; Les climats font souvent les diverses humeurs. […] Puisqu’on lui dit que « c’est nature », qu’attend-il pour applaudir et admirer ?
Un peu plus loin, Pharnace engage Monime à s’embarquer avec lui : Jusques à quand, madame, attendrez-vous mon père ? […] Fuyez l’aspect de ce climat sauvage… Un peuple obéissant vous attend à genoux Sous un ciel plus heureux… ; mais surtout à la fin, dans ce dernier vers qui évoque à nos yeux Monime Souveraine des mers qui la doivent porter, on voit tout un triomphal cortège glisser sur l’étendue resplendissante des eaux.
Et la plus tendre et consolante justice ne lui est pas refusée, car, chassé de la vie et forcé de se réfugier hors de la vie, il goûte la mort la plus délicieuse dans les bras de la vierge qu’il aime, et qui, non attendue, vient le surprendre et s’enfermer avec lui dans l’air de sa chambre close, qu’un subtil poison a rendu enivrant et meurtrier. […] En ajoutant comme je le faisais : « Il y a d’ailleurs tout à attendre du cerveau extraordinaire qui enfanta tant de merveilles », je savais ce que je disais, et, à la fois, je ne croyais pas si bien dire ; n’ayant pas lieu de supposer qu’à quelques semaines de là l’événement donnerait raison — avec quel retentissement !
Cette prudence ne contentait pas le plus notable de ses éditeurs Étienne Dolet, homme ardent qui avait soif de la triste fin qui l’attendait. […] Car quand, par le plaisir de luy, qui tout régit et modere, si mon ame laissera cette habitation humaine, je ne me reputerai totalement mourir, ains passer d’un lieu en un aultre, attendu, que en toy et par toy je demeure en mon image, visible en ce monde, vivant, voyant, et conversant entre gens d’honneur et mes âmys, comme je souloys… (solebam)… Par quoy, ainsi comme en toi demeure l’image de mon corps, si pareillement ne reluysoient les moeurs de l’ame, l’on ne te jugeroit estreguarde et thresorde l’immortalité de nostre nom ; et le plaisir que prendroys ce voyant seroit petit, Considérant que la moindre partie de moy, qui est le corps, demeureroit, et la meilleure, qui est l’ame, et par laquelle demeure nostre nom en bénédiction entre les hommes, seroit degenerante et abastardie. » Cette lumière dont Rabelais parle à Tiraqueau, ce soleil qu’il oppose aux brouillards plus que cimmeriens du moyen âge, il prit plaisir à s’en éblouir.