En matière de publicité et de théâtre, il est maître passé, il a perfectionné l’art de l’affiche, de la réclame, de la préface, l’art des lectures de société qui forcent la main au pouvoir et l’obligent d’accorder tôt ou tard la représentation publique ; l’art de préparer ces représentations par des répétitions déjà publiques à demi et où déjà la claque est permise ; l’art de soutenir et de stimuler l’attention, même au milieu d’un succès immense, moyennant de petits obstacles imprévus ou par des actes de bruyante bienfaisance qui rompent à temps la monotonie et font accident.
Dans tout cet art où la fantaisie du visionnaire se mêle à la force évocatrice du réaliste, apparaît la dernière et la plus puissante des influences que Heine a subies, celle des chants populaires. […] Depuis Goethe, personne, en Allemagne, n’a su mettre dans ses vers des figures de femme aussi candides et gaies, aussi individuelles et humaines, dessinées avec un art aussi sur, aussi caché et aussi souple. […] Par tous ces grand traits Henri Heine tient aux lettres germaniques ; les éléments constitutifs de sa poésie sont allemands, pris à la moelle même de l’art savant ou populaire d’Outre-Rhin. […] II Si Heine a été l’homme en effet de plusieurs races, s’il a pris au Midi et au Nord quelques unes des nuances du vêtement de ses idées, si son art est composite et son chant dissonant, c’est qu’il était lui-même étrangement inconstant, partagé et double.
C’est un choix particulier d’expressions, une certaine distribution de syllabes longues ou brèves, dures ou douces, sourdes ou aiguës, légères ou pesantes, lentes ou rapides, plaintives ou gaies, un enchaînement de petites onomatopées analogues aux idées qu’on a et dont on est fortement occupé, aux sensations qu’on ressent et qu’on veut exciter, aux phénomènes dont on cherche à rendre les accidens, aux passions qu’on éprouve, et au cri animal qu’elles arracheraient, à la nature, au caractère, au mouvement des actions qu’on se propose de rendre, et cet art-là n’est pas plus de convention que les effets de l’arc-en-ciel ; il ne se prend point ; il ne se communique point ; il peut seulement se perfectionner. […] Celle-ci est belle, très-belle ; elle est fortement coloriée ; il y a une grande intelligence de presque toutes les parties de l’art, ce nuage rougeâtre qui occupe la partie supérieure du fond est bien vrai. […] Il est très-instruit, il aime les sciences, les lettres et les arts. […] Des particuliers, jaloux de la durée de l’art parmi nous, avaient projetté une souscription, une loterie.
Il ne monta pas jusqu’à cette intuition transcendante, jusqu’à celle émotion aux palpitations toutes-puissantes qui sont le génie ; il s’arrêta à la pénétration et à l’art, et voilà pourquoi ses Récits mérovingiens, qui sont plus des tableaux historiques que de l’histoire complète dans toute la profondeur de sa notion, sont le meilleur de ses ouvrages. […] Devant le malheur qui le frappa si jeune, cet artiste savant qui avait, pour travailler, plus besoin de ses yeux que personne et qui sut s’en passer, à force de volonté, d’attention, d’amour héroïque pour l’art et la science ; devant ce malheur, plus grand pour lui que pour un poète, — car un poète aveugle se replie sur ses sentiments et ses souvenirs, et ils éclatent ! […] Augustin Thierry en ses Récits mérovingiens, ces Récits très distribués, très entendus, très bien faits, dans le sens d’un art bien plus consommé qu’inspiré, n’ont point, la coloration énergique qu’on est en droit d’attendre d’un homme qui a traversé ce fleuve rouge des Chroniques et qui doit plaquer du feu et du sang sur tout ce qu’il touche ! […] Peintre donc, mais peintre tempéré et savant dans un sujet qui demandait à l’Art ses plus magnifiques violences, M.