Voici ce que j’appris de Baju, moins de lui-même, toujours silencieux sur son propre compte, que des amis présents. […] Il publiait, à longs intervalles, des brochures sociales chez Vanier, puis j’appris brusquement sa mort survenue le 24 avril 1903, à son dernier domicile, rue Poulet, à Montmartre.
Et cela ne veut nullement dire qu’il n’ait été très loin du premier coup, puisque c’est à l’ampleur du saut qu’il doit d’avoir été remarqué, ni qu’observateur né, s’il en fut, et sachant tirer des choses tout ce qu’elles peuvent en apprendre à qui est spécialement conformé pour en condenser le sens, dans son esprit, en formules d’une généralisation savante, il n’ait révélé une intelligence extraordinairement précoce, et ouverte à un degré d’universalité, si tant est que, comme il arrive fatalement aux natures compliquées, cette intelligence est restée passive, en ce qu’elle a reçu et démêlé, sans que, par spécialisation de génie, elle ait réussi à créer par là-dessus. […] Et nous admettons — puisque, dans ses fortuites dégénérescences, ce pouvoir va même jusqu’à contrarier les desseins propres du goût, nous admettons que l’on veuille en rendre subsidiaire le fait qu’un écrivain si condescendant et d’une telle ligne, qui nous captive en pensant nous en apprendre toujours, donne l’impression de devoir à sa complexité, plus qu’à sa droiture, de paraître aussi supérieur que bien aménagé.
Ainsi certains fabliaux, connus sous le titre de Contes dévots, annoncent l’intention d’exciter à la piété, et l’auteur nous apprend même que le diable voulut un jour l’étouffer, tant le Malin redoutait le bien que ce livre allait faire. […] S’ils ne tiennent pas à donner à la pensée toute la force qu’elle pourrait avoir, ils apprennent à la parer, à la vêtir de beau langage.
Mademoiselle n’y verra d’abord qu’un sujet de curiosité et de divertissement : « Toutes les nouveautés me réjouissaient… De quelque importance que pût être une affaire, pourvu qu’elle pût servir à mon divertissement, je ne songeais qu’à cela tout le soir. » Telle Mademoiselle était à dix ans, telle à vingt, telle à trente, telle elle sera toute sa vie, jusqu’à ce qu’une passion tardive lui eût appris à souffrir. […] La pauvre Mademoiselle, novice comme une pensionnaire et sans confidente, ne savait qu’inventer pour apprendre à ce fat et à ce vaniteux ce qu’il voyait trop bien.