Émile n’a cessé depuis de se former et d’apprendre ; il ne tardera pas à en appeler de ces trois classes, et, tout en marquant toujours sa place dans les premiers rangs, il ne verra bientôt plus autour de lui qu’une société moderne, ouverte à tous, et ne portant sur sa bannière que trois mots inscrits : Activité, talent, fortune. […] Cet Édouard, contre lequel Émile se montre si irrité et qu’il veut châtier, est son propre frère utérin, le fils légitime de sa mère, et l’abbé lui nomme alors cette mère pour la première fois. — « J’ai donc des parents, repris-je vivement avec un mouvement qui ressemblait à de la joie, mais qui dura moins de temps qu’il n’en fallut pour l’exprimer. » — Ceci est beau, beau de nature ; car, au moment même où cette joie le traverse, une angoisse cruelle a saisi l’âme d’Émile : il avait déjà provoqué Édouard, déjà le duel est réglé, c’est le lendemain malin qu’il doit se battre, et il apprend que c’est contre un frère !
Mais tout d’un coup on apprend à Versailles, par un avis venu de la Cour même de Savoie, que Mattioli trompe tout le monde, qu’il s’est avancé sans y être autorisé, qu’il a menti impudemment, et il n’est plus question pour le moment que d’étouffer l’affaire. […] Comme Catinat diffère, hésite, demande et attend de nouveaux ordres pour consommer cette petite iniquité, Louvois s’impatiente et lui répond (2 janvier 1682) : « J’avais toujours espéré qu’après avoir lu la lettre de l’abbé Moréi, par laquelle il vous a dû apprendre que c’est par commandement exprès de Sa Majesté qu’il a sollicité M. de Mantoue d’envoyer ordre au marquis de Gonzague de vous remettre le château ; vous n’auriez pas hésité à lui en demander l’exécution.
ajouta-t-il ; puis en se remettant tout d’un coup, il reprit : “Allez, mon fils, laissez-moi, je deviendrai ce qu’il plaira à Dieu ; remontez à cheval ; je vous le commande, le temps presse ; allez faire votre devoir ; et je ne désire plus de vie qu’autant qu’il m’en faudra pour apprendre que vous vous en serez bien acquitté.” […] Veut-on maintenant non un récit (il n’en a pas fait), mais une page de Saint-Simon à ce propos, un de ces portraits comme il lui en échappe à tout coup, avec son feu, sa concentration, sa scrutation des cœurs, son assemblage heurté des plus rares et des plus curieuses circonstances apprises de toutes parts, ramassées on ne sait d’où, mais qui se pressent et se confondent comme des éclairs entrecroisés ?
Rien n’est à négliger sans doute en fait de renseignements, et les livres les plus chétifs peuvent apprendre quelque chose : mais encore faut-il savoir mesurer sa confiance, et quand on a sous la main les meilleurs témoins d’une époque et les plus considérables, ne pas aller chercher de préférence ses autorités dans la poussière. […] Et M. de Valincour n’était pas du tout un savant en us borné aux Anciens : il goûtait les littératures modernes, Milton comme Racine : une lettre de lui nous apprend qu’il estimait les adieux d’Eve à ses fleurs (Paradis perdu, liv.