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1262. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Je dis que, malgré elles, elles ont gardé en elles je ne sais quoi de ce génie que Chateaubriand appelle maternel, tant il est profond, et tant nous semblons en être issus ! […] Pour une critique qui va au fond, sous les contours et sous les lignes, Homère est un bonhomme, et Horace, le poète aux sensations pénétrantes et fines, le sentait bien quand il l’appelait : Bonus Homerus. […] C’est à peine un dessinateur, et cependant c’est un artiste (on l’appellera comme on voudra) qui produit des effets merveilleux avec des moyens presque nuls. […] il l’appelle involontairement les trois maîtres que j’ai nommés, et qui ont comme du sang luxuriant de Rabelais dans les veines de leur génie. […] Et, de fait, Balzac n’a pas dû écrire beaucoup en dehors de ce que j’appelle les productions publiques de sa pensée : livres, articles, mémoires.

1263. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Ce sont les « doctrines » qu’il appelle « abjectes » (et trop souvent) ; ce ne sont pas les hommes, jamais. […] Les analogies, il faut dire les identités, entre la société personnelle qu’on appelle un homme, la société domestique qu’on appelle la famille, la société politique qu’on appelle l’État, iraient à l’infini si on les cherchait toutes ; car ce ne sont que trois formes de la même chose et trois textes de la même loi. […] A quoi sert ce que je me permettrai d’appeler cette fureur subtile de réduction à l’unité ? […] On l’appelait le réacteur, c’était juste ; le contracteur eût été plus juste encore. […] En appeler, en dernier recours, à la voix de la conscience, quelque précaution qu’on prenne et quelque effort qu’on fasse pour séparer la sensibilité de la morale, c’est toujours en appeler au sentiment.

1264. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

On appelait cela l’âge d’or de l’Académie ; il y eut de même l’âge d’or des déjeuners dominicaux, et qui passa vite. […] Daru fit à son sujet un excellent discours, plein de sens et de nuances : il y appréciait « les plans sages, la gaieté douce, le dialogue naturel, la versification pleine de grâce » de celui qu’on aurait pu indulgemment appeler un demi-Térence, de même qu’on avait dit de Térence que c’était un demi-Ménandre. […] Tandis que vous faites capituler les villes, moi je médite une comédie que j’appelle jusqu’ici Les Capitulations de conscience : ce titre est un peu long ; mais, comme il exprime bien ce que je veux peindre, je vous le livre. […] Et pour terminer ce petit épisode de Picard que j’ai introduit ici avec plaisir : on le voit donc, l’effort qu’au milieu de sa carrière tenta ce spirituel auteur pour atteindre à la haute comédie, fut manqué ; il livra sa grande bataille en cinq actes et en vers, comme je l’ai appelée, et il la perdit.

1265. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Voltaire, qui en avait pris connaissance dès l’année 1739, l’appelait un « ouvrage d’Aristide », et Rousseau, qui s’en autorisa plus tard dans son Contrat social, a dit : « Je n’ai pu me refuser au plaisir de citer quelquefois ce manuscrit, quoique non connu du public, pour rendre honneur à la mémoire d’un homme illustre et respectable qui avait conservé jusque dans le ministère le cœur d’un vrai citoyen, et des vues droites et saines sur le gouvernement de son pays. » M. d’Argenson n’était pas encore ministre lorsqu’il composa cet ouvrage, et il était sorti du ministère lorsqu’il le revit pour y mettre la dernière main. […] un morceau précieux de d’Argenson qui entre dans le plus grand détail sur ce qu’il appelle « cette aimable société ». […] Il avait ce qu’on appelle l’esprit travailleur ; j’ai des preuves de ses travaux, des remarques sur des lectures, dissertations dans le grand et politiques, extraits historiques, études du droit public et particulier ; j’ai des volumes de pareils travaux. […] Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.

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