C’est aux auteurs allemands qu’il appartient de constater l’influence produite sur leur littérature par la littérature française. […] « Selon moi, dit-il, j’ai profité du hasard de mon berceau, j’ai gardé cet amour plus ferme de la liberté qui appartient principalement à l’aristocratie dont la dernière heure est sonnée. […] Ces derniers champions d’un monde détruit, ces momies littéraires, comme on a le droit de les appeler, représentaient moins les grands siècles qui avaient précédé, que l’époque même à laquelle ils appartenaient. […] Le passé lui appartient aussi bien que le présent, et ce n’est pas la chronologie qui peut déterminer son caractère esthétique. […] Goethe que ses compatriotes, par un sentiment admirable de reconnaissance, appellent toujours notre Goethe, ne nous appartient pas moins qu’à eux.
Je fonde une religion à laquelle on appartiendra sans cesser d’appartenir à la sienne. […] Voulez-vous être bien traité de tous les partis, il ne faut pas auprès de chacun se vanter de lui appartenir, truc vulgaire de chauve-souris ; il faut à chacun faire croire qu’on est adoré dans l’autre. […] On sait que plus tard l’exquise duchesse de Bourgogne fut très soupçonnée d’avoir joué à la cour de France, dans le plus profond mystère et qui ne fut démêlé qu’après sa mort, un rôle qui appartient à la diplomatie souterraine. […] Mais, en revanche, comme je l’ai dit, les trouvailles sublimes sont très souvent, sont le plus souvent choses qui n’appartiennent pas au premier jet et qui ont été rencontrées par Hugo revenant sur son poème et s’inspirant de lui. […] Oui, Chateaubriand a gardé avec un soin jaloux la partie du manuscrit à laquelle appartenait ce passage ; oui, il est certain qu’il ne l’a pas communiquée à Sainte-Beuve ; mais il est certain aussi que Sainte-Beuve l’a eue néanmoins.
Quelques beaux esprits — dont il faut malheureusement dire qu’ils paraissent en général avoir été plus irréguliers que hardis — partent en guerre contre les anciens, c’est-à-dire contre la tradition ; et, au nom d’une confuse idée du progrès, réclament pour l’écrivain le droit d’appartenir à son temps, ce qui est d’ailleurs tout à fait légitime, et de n’appartenir qu’à lui, ce qui l’est beaucoup moins. […] Défions-nous de ceux qu’on appelle des précurseurs : les idées, dans l’histoire littéraire comme ailleurs, appartiennent à ceux qui en ont développé les conséquences, et n’appartiennent qu’à eux. […] Avant d’être à lui-même, l’individu appartenait à sa communauté. […] Il n’en est pas de même des beautés poétiques, qui appartiennent uniquement à l’imagination. […] Je dirais volontiers qu’elle appartient plutôt à l’histoire du romantisme qu’à celle de la critique, et vous pourrez d’ailleurs vous en convaincre, en lisant les Premiers Lundis, le premier volume des Portraits contemporains, ou le premier volume des Portraits littéraires.
« Rien ne vous appartient plus en propre que vos rêves ; rien n’est davantage votre œuvre. […] Il faut bien qu’en face de cet état sa volonté soit en jeu ; autrement il lui semble que puissance et bonheur ne lui appartiendraient pas. […] Bien plus, à quelque parti philosophique que l’on appartienne, on veut aboutir à la morale et on tient à montrer qu’on y aboutit ; quelque système philosophique que l’on invente ou que l’on soutienne, on trouve le moyen, en définitive, de l’incliner vers la morale et de prouver qu’il y arrive. […] Tout ce qu’ils reconnaissent appartenir à leur nature, ils l’honorent. […] (À moins qu’il n’eût appartenu auparavant à une association et qu’il ne s’en souvînt, auquel cas nous revenons au commun cas, et l’homme en question ne se considère point comme isolé, mais comme séparé pour un temps de l’association qui l’oblige.)