Cette sensibilité appartient encore en grande partie au domaine du subconscient ; il y a, selon l’expression de Leibnitz, « les pensées dont ne s’aperçoivent pas notre âme », il y a aussi les sensations dont ne s’aperçoivent pas nos sens, et ce sont peut-être celles-ci qui, de même qu’elles sont entrées, sortent subconsciemment. […] L’idée d’honneur avec tous ses sous-entendus se sépara de l’idée de militaire, qui est là l’idée de fait, l’idée femelle prête à recevoir tous les qualificatifs, et l’on s’aperçut que, s’il y avait entre elles un certain rapport logique, ce rapport n’était pas nécessaire. […] Il faut presser la signification des mots ; alors on aperçoit qu’ils ne détiennent aucun sens et que des écrivains mémorables en usèrent toute leur vie sans les comprendre. […] Par une œuvre où presque plus rien ne s’aperçoit des méthodes antérieures, qui ne se rattache pas immédiatement à quelque chose de connu et de déjà compris, les gardiens de l’art se sentent menacés ; ils répondent à la provocation chacun selon leur tempérament. […] Huysmans n’ait pas donné un aperçu de ses imaginations, bien faites cependant pour « désinfecter le latin du paganisme, qui empestait la luxure, puait un affreux mélange de vieux bouc et de rose43. ».
Baudelaire a été frappé comme par une révélation ; il s’est aperçu, épouvanté et ravi, qu’il avait imaginé des sujets que Poe avait imaginés vingt-cinq ans auparavant, qu’il avait écrit des phrases que Poe avait écrites vingt-cinq ans auparavant : et donc il était, dans un certain sens, le double d’Edgar Poe. […] Pourtant, l’auteur sait bien qu’ils existent, ces hérons bleus, ces flamants roses ; ils existent dans d’autres régions où des voyageurs les ont aperçus et décrits ; et des géographes ont dit aussi à Chateaubriand que sur le cours du Mississipi, remontaient quelquefois des contrecourants. […] Mais lorsque vint le temps où l’on s’aperçut que les lumières n’éclairaient, après tout, que la superficie des choses ; lorsque vint le secours des Herder, des Schiller, qui rendirent au sentiment sa dignité, en montrant qu’il pouvait être autre chose que le dérèglement des passions, et qu’il était sans doute le principe moteur des peuples et des races ; lorsqu’à la fin du siècle Vico trouva faveur et gloire : alors la préparation philosophique fut achevée, et la poésie une fois de plus se reprit à vivre. […] Elle a mis pour ainsi dire en évidence cette gradation admirable que quelques-uns avaient aperçue dans les productions naturelles. […] Si au contraire le soleil vient à manquer avant qu’elle soit totalement embrasée, elle peut continuer à perdre ses eaux… Mais quelle que soit sa destinée et celle de ses habitants, il y a lieu de croire que dans la multitude innombrable des globes que renferme ce vaste univers, les uns enflammés et les autres opaques, dont nous n’apercevons que la moindre partie, il y en a toujours qui seront dans une augmentation d’eaux et de matières, tandis que la diminution continuera dans les autres.
On fait agir sur lui un courant électrique, et nous apercevons de vives lueurs. […] Il finit par s’y habituer et à la fin ne s’en aperçoit plus ; cependant, dès qu’il y fait attention, il voit la sensation aussitôt reparaître, et souvent il sent d’une manière très distincte ses orteils, ses doigts, la plante du pied, la main. » En plusieurs cas, après sept ans, douze ans et même vingt ans, la sensation était aussi nette qu’au premier jour. — On voit que, pour provoquer la sensation, l’action du nerf lui-même est accessoire ; il n’est qu’un intermédiaire ; si le mouvement moléculaire qui se propage sur tout son trajet est efficace, c’est parce qu’il provoque un autre mouvement moléculaire dans les centres nerveux ; pareillement l’action électrique qui court le long du fil du télégraphe n’a d’importance que parce qu’arrivée à son terme elle déplace l’aiguille du cadran. […] Nous apercevons ici le mécanisme qui rend possible la propriété fondamentale des images, je veux dire leur aptitude à durer et à renaître. […] Ceux-ci sont beaucoup plus nombreux que les autres, et, du monde qui constitue notre être, nous n’apercevons que les sommets, sortes de cimes éclairées dans un continent dont les profondeurs restent dans l’ombre.
Dimanche 18 janvier On vivrait mille ans, qu’un homme doué d’une intelligence travailleuse, le jour de sa mort, s’apercevrait qu’il n’a pas fait la moitié de tout ce qu’il voulait faire. […] Jeudi 18 juin Pélagie revenant de chez Malhéné, me jette de la porte : « Il faut demain que Blanche entre à l’hôpital… il faut qu’elle soit demain à huit heures, au parvis Notre-Dame. » Ce soir, avant dîner, en descendant au jardin, j’aperçois, par la porte entrebâillée, la pauvre enfant frottant quelque chose, de toutes ses débiles forces : — Qu’est-ce que tu fais donc là ? […] Daudet nous dit, ce soir, qu’il s’est aperçu tout à coup l’année dernière, à Champrosay, qu’il ne pouvait plus courir, sur l’invite de Zézé, lui ayant crié : « Papa, cours après moi. » Ça avait été un effort énorme et rien ! […] Elle vit cependant, et l’une de ces dernières années, de Constantinople, où elle est dans un couvent, elle lui a fait dire par un neveu : « La sœur une telle vous envoie le bonjour. » Vendredi 25 septembre Ici, le paysan absent, on ne doit pas apercevoir de fumée à la cheminée de sa chaumière : la femme est censée devoir se nourrir, pendant son absence, d’oignons, de salade, de figues.