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555. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

La Bruyère, qui aimait la lecture des anciens, eut un jour l’idée de traduire Théophraste, et il pensa à glisser à la suite et à la faveur de sa traduction quelques-unes de ses propres réflexions sur les mœurs modernes. […] Il se déclare de l’avis que nous avons vu de nos jours partagé par Courier, lire et relire sans cesse les anciens, les traduire si l’on peut, et les imiter quelquefois : « On ne sauroit en écrivant rencontrer le parfait, et, s’il se peut, surpasser les anciens, que par leur imitation. » Aux anciens, La Bruyère ajoute les habiles d’entre les modernes comme ayant enlevé à leurs successeurs tardifs le meilleur et le plus beau. […] La Bruyère descendait d’un ancien ligueur, très-fameux dans les Mémoires du temps, et qui joua à Paris un des grands rôles municipaux dans cette faction anti-bourbonienne ; il est piquant que le petit-fils, précepteur d’un Bourbon, ait pu étudier de si près la race. […] Toutes les anciennes clefs nomment en effet Nicole comme étant celui que désigne ce trait : Des Ouvrages de l’Esprit : Deux écrivains dans leurs ouvrages, etc., etc. ; mais il faut convenir qu’il se rapporterait beaucoup mieux à Balzac. — J’ai discuté ce point ailleurs ; Port-Royal, tome II, p. 390). […] Charpentier, qui, en sa qualité de partisan des anciens, le mit lourdement au-dessous de Théophraste ; la phrase, dite en face, est assez peu aimable : « Vos portraits ressemblent à de certaines personnes, et souvent « on les devine ; les siens ne ressemblent qu’à l’homme.

556. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il savait le grec ancien comme Homère, il savait le grec moderne comme un klephte. […] On oublie que des siècles ont remué ces lieux et ces peuples, et qu’il peut en sortir des peuples nouveaux à force de vieillesse, mais jamais d’anciens peuples. […] « Ce Vaï, qui revient à la fin de chaque couplet, comme un sanglot, est-il un mot grec ou étranger, une interjection improvisée, un dérivé du grec ancien ovaï, ou bien une construction du verbe grec moderne βαγἱζειν, vagir comme les enfants ? […] Il vivait hors du monde des événements ; et se plongeait de plus en plus dans les études et dans les spéculations de la haute philosophie de l’ancienne Grèce. […] C’est ici l’ancien golfe de Pharmakia, où l’on dit que Médée, partie de la Colchide, déposa des poisons, en y laissant leur nom.

557. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Les messieurs Thabaud étant plusieurs frères, chacun d’eux avait pris, selon l’usage de l’Ancien Régime, un surnom de forme nobiliaire pour se distinguer des autres ; le père d’Hyacinthe avait surnom de Latouche. […] Une des plus innocentes, c’est l’épître en vers qu’il adressait à notre ancien ami M.  […] Et si c’est là qu’on a eu son premier ami, si deux cœurs de dix-sept ans s’y sont ouverts à la fois à la curiosité des voyages et au charme des anciennes histoires, durant les causeries sans lumière près d’un feu de sarment… ! […] Place-toi à cette fenêtre, si connue de nous, dans l’ancienne maison Brunetti, à l’angle de la via del Corso. […] Avant d’écrire cet article sur M. de Latouche, je me suis adressé à plusieurs de ses anciens amis ou qui passaient pour tels, dans le désir qu’on me dit de lui plus de bien que je n’en savais, et j’ai dit, je l’avoue, tout ce que j’en ai su.

558. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Hippolyte Fortoul (aujourd’hui ministre de l’Instruction publique et l’un de nos anciens amis), et qu’il préparait, avec ces matériaux de première main, une histoire complète de Sieyès, nous lui avons demandé de nous initier à l’avance à quelque portion de ce travail. […] Dès qu’elles sont pleines de sottises ou de vérités, elles sont contentes. » Il y a des sciences entières fausses, c’est-à-dire fondées sur ce qui n’est pas (on voit bien qu’il en veut surtout à la théologie et à l’ancienne métaphysique), et ces sciences doivent leur origine à de faux rapports revêtus de mots dont se paye ensuite le vulgaire et même la foule des lettrés : Les signes restent, dit-il, et portent dans les générations suivantes l’existence des chimères et l’épouvante qu’elles causent. […] On croit entendre dans ces passages le poète romain Lucrèce ou quelque austère épicurien de l’ancienne Rome, déplorant mélancoliquement, du haut de sa morne sagesse, les erreurs des humains égarés hors de la voie31. […] Bertrand de Moleville, dans une note du premier volume de son Histoire de la Révolution, semble dire qu’il ne tint qu’à une abbaye de 12 000 livres de rente, et à une étourderie de moins de la part du ministre Brienne, archevêque de Sens, que l’abbé Sieyès ne fût un des apôtres les plus zélés de l’Ancien Régime. […] Parlant de l’Ancien Régime et de l’ancien monde, il écrivait, vers 1774 : « Le genre humain est un corps gangrené d’une part, et dont les mouvements sont convulsifs de l’autre.

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